Briser le plafond de verre

Briser le plafond de verre

13 août, 2017

Cette semaine, Me Dominique Tardif, de ZSA, s’entretient avec Me Marie Henein, cofondatrice de Henein Hutchison et … avocate de Jian Ghomeshi !
1- Pourquoi avez-vous, à l’origine, décidé d’être avocate plutôt que de choisir un autre métier ou une autre profession?
J’ai choisi le droit pour des motifs bien personnels. En fait, le droit correspondait bien à ma personnalité et à ce qui m’interpellait à titre individu faisant partie d’un contexte social plus large. Les principes de moralité et de ce qui est ou non légal, notamment, me fascinaient et me stimulaient intellectuellement.
Le droit ne s’est pas présenté à moi tardivement, ou comme une option de carrière parmi d’autres. Bien au contraire, le droit est et a toujours été ce que je voulais faire : je savais que je deviendrais avocate dès ma septième année et, d’instinct, c’était vers le droit criminel que je souhaitais me diriger. Ça allait de soi, tout simplement : je n’aime pas les bullies, et le fait de me battre pour défendre une personne faisant face à la justice était un choix naturel, très personnel et intuitif pour moi.
2- Quel est le plus grand défi professionnel auquel vous avez fait face au cours de votre carrière?
Mon plus grand défi, et certainement le plus intéressant pour moi, est de faire en sorte que le cabinet se développe et prenne de l’expansion vers de nouveaux domaines. Il ne s’agit pas tant, ici, d’un défi personnel ou d’une difficulté à surmonter, mais plutôt d’un défi positif en ce qu’il s’agit d’avancer vers un espace jusqu’alors inoccupé par nous, dans un marché où nous ne sommes possiblement pas les premiers à venir spontanément en tête.
Contrairement à ce que certains sont portés à penser, la majorité de mon travail ne fait pas la manchette. Au contraire, mon travail se déroule plutôt généralement sans tapage publicitaire, en coulisses. Notre plus grande réussite, en fait, consiste justement à faire en sorte que quelque chose – ou quelqu’un – ne fasse pas la Une. Notre pratique est par ailleurs, dans les faits, plutôt variée, surtout depuis que nous avons commencé à entamer publiquement cette diversification de domaines de pratique il y a trois ou quatre ans. Être en ce sens le new kid on the block est absolument fascinant, et l’être quand on est une femme rend la chose encore plus intéressante, à mon avis.
3- Si vous aviez une baguette magique, que changeriez-vous à la pratique du droit?
Si j’avais une baguette magique, c’est à l’exode des femmes hors de la profession que je mettrais un terme. C’est, pour moi, la chose la plus désolante et pénible qui soit. A mon avis, le manque d’opportunités qui sont données aux femmes pour avancer et briser le « plafond de verre » (glass ceiling) – parce qu’il existe, ne le nions pas – est responsable du départ des femmes de la profession. Quand une femme qui le mérite pourtant ne se fait pas donner accès à un client ou ne devient pas celle qui est en charge d’un dossier, elle se fait priver d’une opportunité.
Je ne suis pas de celles et ceux qui croient que les femmes quittent la profession parce qu’elles ont des enfants; je crois plutôt qu’elles quittent parce qu’elles ne sont pas professionnellement stimulées et satisfaites. Quelqu’un qui gravit les échelons et qui connaît le succès ne choisit généralement pas de quitter : il trouve au contraire satisfaction dans ce qu’il fait, autant intellectuellement que financièrement, et ce succès en vient à faire partie intégrante de son identité. Or, les femmes quittent souvent avant même d’avoir atteint de tels niveaux en carrière… peut-être parce qu’elles se font injustement dissuader de pouvoir un jour y accéder.
4- La perception du public envers la profession et les avocats en général est-elle plus positive, égale ou moins positive qu’elle ne l’était lors de vos débuts en pratique? Et pourquoi, à votre avis?
Malheureusement, je crois que la perception du public envers les avocats a négativement été impactée par l’accessibilité à l’information et la façon dont nous communiquons. Il n’y a pas si longtemps encore, ce qui se passait en cour était décrit le jour suivant dans les médias, et aucun dialogue public n’entourait les questions ou faits relatés. Aujourd’hui, non seulement les méthodes de communication ont changé, mais l’information véhiculée se propage extrêmement rapidement et, souvent, de façon anonyme. Ajoutons à cela l’image des avocats que dépeignent les médias et les films et que les gens tiennent pour vraie, et la perception s’en trouve parfois à des lieues de la réalité… La profession a, à mon avis, le devoir et l’obligation d’expliquer et de démystifier ce qu’est le droit et ce que nous faisons, avec pour objectif de faire en sorte que le public comprenne et ait du respect pour le processus judiciaire dans son ensemble.
5- Quel conseil donneriez-vous à quelqu’un débutant sa carrière? Comment fait-on pour devenir Marie Henein, que plusieurs qualifient comme étant la plus grande avocate criminaliste au pays?
Je pense que la façon de parvenir à ses objectifs implique, d’entrée de jeu, d’être authentique et fidèle à soi-même. Vous pouvez certainement vous inspirer des autres pour vous rendre meilleur… mais vous ne deviendrez pas quelqu’un d’autre! Pour arriver à ce que l’on veut, il n’y a par ailleurs qu’une façon : travailler dur et sans relâche, avec comme motivation principale votre volonté de faire tout ce qui est en votre pouvoir pour votre client. Peu importe depuis combien de temps vous êtes avocat, vous devez constamment vous pousser et vous réinventer pour être le meilleur. Pouvez-vous faire plus? Pouvez-vous faire mieux? Les gens que j’admire et qui ont réussi à être là où ils sont aujourd’hui sont des individus qui sont indéfectiblement dévoués à leur travail et qui aiment profondément ce qu’ils font… sans regarder l’horloge, il va sans dire.
Le dernier bon livre qu’elle a lu – Tandis que j’agonise (As I lay dying, auteur : William Faulkner)
Le dernier bon film qu’elle a vu – There will be blood (réalisateur : Paul Thomas Anderson)
Elle aime les airs de… Kanye West, Nina Simone, Aretha Franklin & Kendrick Lamar
Son dicton préféré: Toughen up!
Elle… a trop de péchés mignons pour se lancer dans l’énumération!
Son restaurant préféré – The NoMad (angle Broadway & 28e rue, New York)
Elle aimerait visiter… le Kenya
Un personnage historique qu’elle admire? Aucun : elle préfère de loin le monde des vivants!
Si elle n’était pas avocate, elle serait… magasineuse professionnelle, avec une seule cliente : elle-même !
Me Henein s’est exprimée dans le Globe and Mail sur Hillary Clinton à la suite des résultats de l’élection présidentielle américaine.

Me Marie Henein est cofondatrice de Henein Hutchison, un cabinet boutique de litige de premier plan de Toronto. Son champ d’expertise inclut un éventail varié de dossiers de litige en matière réglementaire, criminelle et quasi-criminelle pour lesquels elle représente des individus, corporations et clients institutionnels, et ce, tant en première instance qu’en appel. Me Henein a plaidé devant tous les niveaux de cour, incluant de façon régulière devant la Cour d’appel de l’Ontario et la Cour suprême du Canada. Elle a également agi dans de nombreux dossiers médiatisés.
Me Henein est titulaire d’un baccalauréat en droit du Osgoode Hall Law School (1989) et d’une maîtrise en droit de l’Université Columbia (1991). Elle est certifiée par le Barreau du Haut-Canada comme spécialiste en droit pénal. Elle a été présidente de The Advocates’ Society (2010-2011), est fellow du American College of Trial Lawyers et a été membre du conseil d’administration de la Law Commission of Ontario. Elle compte parmi les fondateurs du programme d’aide juridique Ontario «duty counsel», un programme qui fournit des services d’appel gratuits aux appelants non représentés à la Cour d’appel.
Me Henein est aussi conférencière. Elle a été professeure auxiliaire à l’Osgoode Hall Law School, où elle a aussi été co-présidente du programme de maîtrise en droit. Elle donne fréquemment des conférences auprès du Barreau du Haut-Canada, de l’Advocates’ Society, de l’Association du Barreau de l’Ontario, de la Criminal Lawyers’ Association et de l’Institut national de la magistrature dans des domaines variés incluant notamment la plaidoirie, la preuve et le droit criminel substantif. Me Henein a récemment donné la prestigieuse «Bernard Cohn Memorial Lecture» à la faculté de droit de l’Université de Windsor.
Me Henein est co-rédactrice du Martin’s Criminal Code, du Martin’s Annual Criminal Practice et du Martin’s Related Criminal Statutes. Elle est aussi rédactrice en chef adjointe des Canadian Criminal Cases.
Me Henein figure dans le Best Lawyers in Canada 2010 dans la catégorie Criminal Defence. Elle a été récipiendaire du Prix Laura Legge 2013 et a, à plusieurs reprises, été nommée parmi les 25 avocats les plus influents du Canada par le magazine Canadian Lawyer.

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