Cette semaine, Me Dominique Tardif, de ZSA, s’entretient avec Me Sophie Melchers, associée chez Norton Rose Fulbright Canada…
1. Pourquoi avez-vous, à l’origine, décidé d’être avocate plutôt que de choisir un autre métier ou une autre profession? Était-ce une évidence, de famille ou encore le fruit d’un hasard?
Je compte parmi ceux qui, à la sortie du cégep, que j’avais pour ma part complété en sciences pures et de la santé, ne savent pas vraiment ce qu’ils veulent faire. J’ai, à l’époque, fait des demandes en médecine et en droit. Heureusement que j’ai été refusée en médecine!, dit-elle en riant, ajoutant qu’elle ne serait définitivement pas faite pour cela.
Ma mère et mon beau-père étaient dans le domaine : ma mère fut avocate et juge, alors que mon beau-père pratique encore le droit aujourd’hui. Ils semblaient, tous les deux, très heureux professionnellement, ce qui m’a certainement influencée positivement.
J’aimais par ailleurs convaincre et débattre, et le droit me semblait donc pouvoir aller de pair avec ma personnalité.
J’ai beaucoup aimé le baccalauréat, les cours ainsi que les gens. J’ai travaillé pour un professeur en deuxième année de droit, puis dans un petit cabinet de droit criminel un été, pour ensuite faire ma course aux stages et être recrutée par Ogilvy Renault, devenu Norton Rose.
2. Quel est le plus grand défi professionnel auquel vous avez fait face au cours de votre carrière?
Mon plus grand défi est survenu lorsque, au retour de mon dernier congé de maternité, on m’a demandé d’être responsable du groupe de Litiges du bureau de Montréal, ce que j’ai accepté. Je revenais d’un troisième congé de maternité, et seulement trois ans séparaient notre plus jeune de notre plus vieux. J’avais donc été absente plusieurs fois en peu de temps, et je voulais poursuivre ma pratique, que j’aime beaucoup, et la conjuguer avec le fait d’être maman d’enfants en bas âge. D’y ajouter des responsabilités administratives au cabinet constituait tout un défi. J’y ai, cela dit, certainement trouvé mon compte et beaucoup appris. Le sommeil en a parfois évidemment souffert, comme c’est le cas de bien des jeunes familles, mais ce fut une expérience enrichissante!
3. Si vous aviez une baguette magique, que changeriez-vous à la pratique du droit?
Si j’avais une baguette magique, je ferais en sorte que l’on n’oublie pas l’importance de s’accorder le temps de réflexion nécessaire avant de donner des conseils juridiques. Nous vivons, en effet, dans un monde où les choses vont très vite et où les gens veulent recevoir des réponses extrêmement rapidement, ce qui limite le temps passé à une réflexion pourtant essentielle. Il est nécessaire de ne pas perdre de vue que la qualité d’un service professionnel juridique vient avec la réflexion et la possibilité de peser le « pour » et le « contre ».
4. De quelle façon pensez-vous que le public et vos clients perçoivent la profession et les avocats en général?
Je crois que mes clients ou ceux représentés par mes confrères dans des dossiers réalisent l’importance d’être bien représentés et les bénéfices qui découlent d’une conduite professionnelle et intègre devant les tribunaux. Et je crois, pour cette petite partie de la population ayant recours aux services juridiques dont je peux parler d’expérience personnelle, que la perception à l’endroit de notre profession est assez positive. Pour ma part, il est très important de faire en sorte que le processus judiciaire, y compris les interrogatoires et procès, se déroule le plus harmonieusement possible et dans le respect des clients, témoins et confrères. J’essaie, en effet, de faire en sorte que personne, dans la mesure du possible, ne vive d’épisode inutilement difficile et susceptible de miner la perception du processus judiciaire et d’entacher leur expérience.
5. Quels conseils donneriez-vous à quelqu’un débutant sa carrière ou, en d’autres mots, comment devenir associée en grand cabinet tout en étant maman?
Je constate que plusieurs qui voient des défis à conjuguer pratique et famille présument que la réponse à une demande qu’ils voudraient formuler pour rendre le tout plus accessible ou gérable sera « non ». Plutôt que de poser la question, ils se limitent eux-mêmes quant aux aménagements qu’il est possible de faire quant à leur pratique, en se convainquant qu’il ne vaut même pas la peine de vérifier. Dès que j’en ai l’occasion, je rappelle aux jeunes avocats avec qui j’ai le plaisir de travailler que s’ils veulent faire quelque chose à quoi je n’ai pas pensé, ils devraient m’en parler plutôt que de rester silencieux. Nous n’avons, en effet, qu’une vie à vivre et devons en prendre contrôle, en déterminant nos priorités et comment les conjuguer.
Si les gens ne s’autocensuraient pas ainsi et osaient se confier à des mentors et à des proches, ils seraient à mon avis surpris de recevoir toutes sortes de conseils utiles pouvant contribuer à leur réflexion. Bien des gens sont, en effet, heureux de pouvoir donner des conseils, s’ils sont sollicités, et d’aider leurs amis et collègues à façonner les choses comme ils le souhaiteraient.
Il est aussi important de se trouver un mentor. Un mentor, c’est quelqu’un qui nous appuie à tous les moments, et ce, de façon réaliste. C’est quelqu’un qui nous apporte de la rétroaction positive dans les bons moments et qui nous fait aussi nous remettre en question quand on s’apprête à prendre une route moins certaine.
Je crois aussi qu’il est nécessaire de se développer une niche. Il y a, en effet, beaucoup d’avocats compétents. Pourquoi donc un client vous choisirait plutôt que quelqu’un d’autre? Parce que vous aurez développé une « signature », une niche de pratique, un autre élément qui vous distinguera des autres. Si cela peut prendre quelques années, je crois qu’il demeure important, à un certain moment de sa carrière, de se demander comment on veut être perçu et d’ensuite modeler et orienter ses actions et son développement en conséquence.
Enfin, la décision la plus importante de votre vie (ou à tout le moins, de la mienne) est…votre choix de conjoint! Sans le support que j’ai, je ne serais pas ce que je suis maintenant et je n’aurais pas été capable de conjuguer famille et une carrière motivante comme j’ai pu le faire. Nous sommes vraiment deux à élever nos merveilleux enfants, et il m’appuie beaucoup dans mes choix professionnels. Je me considère privilégiée, d’où mon expression préférée ci‑dessous : « Life is good! »
· Le dernier bon livre qu’elle a lu – The Little Paris Bookshop (auteur : Nina George)
· Le dernier bon film qu’elle a vu… Finding Doris (réalisateur : Andrew Stanton et Angus MacLane)!
· Sa chanson fétiche – I Will Survive (interprète : Gloria Gaynor)
· Son expression préférée – « Life is good! »
· Quand elle veut se gâter, elle s’offre… un long massage!
· Son restaurant préféré – Tuck Shop (Rue Notre-Dame O)
· Elle aimerait retourner … en Nouvelle-Zélande
· Si elle n’était pas avocate, elle serait…organisatrice d’événements ou photographe!
Au quotidien, Me Melchers s’occupe principalement de litiges touchant les questions commerciales, les sociétés et les valeurs mobilières. Elle a représenté des clients devant les tribunaux du Québec et la Cour suprême du Canada relativement à des prises de contrôle contestées, à des recours d’actionnaires dissidents, à des conventions entre actionnaires, à des plans d’arrangement, à des droits de premier refus et à des opérations d’initiés.
Me Melchers possède une solide expertise des litiges touchant les valeurs mobilières et représente notamment des émetteurs assujettis ou leurs dirigeants dans le cadre d’enquêtes de l’Autorité des marchés financiers et devant le Tribunal administratif des marchés financiers en défense de procédures intentées par l’Autorité. Elle est membre du Barreau du Québec depuis 1994. Elle est fellow de l’American College of Trial Lawyers depuis 2015. Elle a eu des responsabilités administratives au sein du cabinet, dont celle d’administratrice du groupe Litige du bureau de Montréal.