Faisons parler les leaders – Julius Grey

Faisons parler les leaders – Julius Grey

29 January, 2013

Cette semaine, Dominique Tardif rencontre le plaideur Me Julius Grey. Il lui confie sa révolte et ses espoirs.

Me Julius Grey est bien connu du monde juridique pour avoir plaidé une pluralité de dossiers importants, dont notamment celui de la Loi 101 (P.G. Québec c. Quebec Protestant School Boards) et celui relatif au port du kirpan à l’école (Multani Singh c. Commission scolaire Marguerite-Bourgeois).

Pourquoi avez-vous, à l’origine, décidé d’être avocat plutôt que de choisir une autre profession?

J’ai été certain que c’est ce que je voulais faire quand le père d’un ami m’a expliqué ce qu’il faisait.
Il était en droit criminel, du côté de la défense.
J’avais quatre ou cinq ans, et nous étions dans un parc; je m’en souviens bien.
J’imagine que ce qui m’a fasciné a été la possibilité de se battre pour la justice, de combattre l’autorité et d’éviter les injustices.
J’ai toujours voulu ne pas obéir aux règles, et les combattre.
J’ai fait sciences économiques et philosophie pendant mon baccalauréat, puis une maîtrise en littérature russe pour m’amuser.
J’ai fait la musique, le droit, puis une maîtrise en droit à Oxford.
Pendant ces années d’université, j’ai fait beaucoup de choses variées!

Quel est le plus grand défi professionnel auquel vous avez fait face au cours de votre carrière?
Jusqu’en 2004, le plus grand défi a été la réconciliation de la vie académique avec la vie professionnelle.
Depuis, parce que je n’enseigne pas en ce moment, le défi est de déterminer la façon d’aider les gens, dans une époque où les services juridiques sont hors de la portée de l’homme moyen.
En effet, pratiquement dans chaque cause impliquant une grande institution, les  grands bureaux sont impliqués, et ont tous les tous les ordinateurs et les moyens nécessaires, sachant qu’en demandent 15 jours de procès, ils peuvent pratiquement rendre la vie de l’autre impossible.
Il faut aujourd’hui lutter contre une profession qui devient de plus en plus inaccessible pour l’homme moyen.

Quelques dossiers qui ont représenté de grands défis pour vous?

Il y en a quelques-uns auxquels je pense parmi d’autres. Pour ma carrière, je pense au dossier de la contestation de la Loi 101 (P.G. Québec c. Quebec Protestant School Boards).
J’ai représenté les intérêts des minorités, sans pour autant épouser leurs convictions constamment.
Les anglophones l’ont compris, et les gens du ‘côté dur‘ anglophone n’ont jamais pardonné le fait que l’avocat qui les a représentés ait ensuite appuyé la Loi 101 dans certaines autres circonstances.
C’est un exemple de ces causes qui m’ont apporté la renommée nécessaire pour ensuite faire autre chose.
Je pense aussi à une cause relative à l’extradition de quelqu’un condamné à mort aux États-Unis, et dont on demandait l’extradition.
Une cause que j’ai perdue en Cour Suprême, à 4 contre 3. J’ai toujours été contre la peine de mort.
Je pense également aux causes religieuses, comme celles du kirpan et de la souka.
Je ne suis pas un enthousiaste du multiculturalisme. Le but, pour moi, de permettre le kirpan est d’intégrer l’enfant à l’école publique, dans l’espoir que, ce faisant, il n’aura pas à le porter plus tard.
Je suis pour l’intégration des minorités, dans le but que l’enfant ne soit plus éventuellement reconnaissable comme minorité.

Si vous pouviez changer quelque chose à la pratique du droit, de quoi s’agirait-il?

Je crois qu’il faut rendre la justice plus accessible. On a essayé 54.2, les abus de procédure, etc.
Mais ça ne fonctionne pas et ça n’est presque jamais utilisé.
Et ça ne fonctionne que contre les plaideurs excentriques, et presque jamais contre les riches et les puissants.
Si l’on veut rendre la justice accessible, il faut limiter la durée des procès de façon draconienne.
Il faut arrêter de ‘rouler en Cadillac et opter pour la Volkswagen’.
Il faut limiter l’utilisation de l’expertise.
Ce qui implique peut-être, oui, d’avoir un système moins précis et un peu moins exact parfois – ce qui est préférable à une inégalité constante en faveur des riches, à choisir.

La perception du public envers la profession et les avocats en général est-elle plus positive, égale ou moins positive qu’elle ne l’était lors de vos débuts en pratique? Et pourquoi, à votre avis?

Quand j’étais jeune avocat, les héros étaient les avocats de la défense.
On avait  un peu la vision de Perry Mason, qui allait trouver la preuve de l’innocence de son client.
Aujourd’hui, la sympathie est plutôt du côté de la Couronne.
C’est la même chose en droit professionnel : la sympathie est du côté du syndic – et je trouve que c’est affreux. Les gens sont toujours en danger d’une discipline excessive, à mon avis. La perception ‘pro-Couronne’ et pro-autorité fait partie d’un virage à droite de notre société.
Quant aux avocats, ils ne sont pas populaires – et c’est peut-être un peu leur faute! Les avantages technologiques, au lieu de rendre la pratique moins chère et plus accessible à tous, ont augmenté les exigences. Avant, on donnait des cours de droit avec trois causes; aujourd’hui, c’est bien différent!
On utilise la technologie pour rendre les choses plus exactes: tout est parfait, on a des tableaux pour tout, etc.  – mais ce n’est pas plus accessible, et c’est une erreur.
Il aurait fallu se servir de la technologue pour réduire les coûts.
En faisant cela, la réputation de la profession aurait été meilleure.
Il ne s’agit pas de réduire la qualité,  évidemment, mais simplement un peu l’exactitude des choses, parfois.
Vous savez, il est intéressant de noter que les avocats sont perçus comme ‘des derniers’.
Et ces derniers sont choisis par ‘les autres derniers’, à savoir les politiciens, pour être nommés juges. À partir de là, ils deviennent des saints!

Quel conseil donneriez-vous à quelqu’un débutant sa carrière et qui souhaite connaître une carrière et un succès comparable au vôtre?
Il faut ne pas avoir peur, et ne pas avoir un respect excessif pour l’autorité, quelle qu’elle soit.
Il faut oser dire les choses que certains considèrent comme impensables,  et travailler pour la justice sociale – non pas en fonction de ce qui est rentable, mais de ce qui est juste.
Il faut toujours considérer la nature d’un monde dans lequel l’homme moyen ne peut avoir recours à la justice. Les conséquences d’un tel monde sont horribles.
Peut-être est-ce le sort de l’humanité dès le départ, mais il faut le combattre.

En vrac…

Il lit… souvent en même temps un bon livre de fiction, un de non-fiction et un de littérature.
Outre une bibliographie sur l’empereur romain Marc-Aurèle, il nous conseille la lecture de Onze petites trahisons, d’Agnès Gruda.
Les films qu’il recommande: « Mademoiselle Chambon »  (réalisateur : Stephane Brizé) et «  Liberté » (réalisateur : Tony Gotlif)
Ses restaurants préférés: Star of Asia (rue Sainte-Catherine), La Moulerie (rue Bernard)
Un pays qu’il aimerait visiter: le Japon, pour la littérature
Là où il souhaite retourner: en Angleterre, en France et en Pologne.
S’il n’était pas avocat, il serait… sûrement prof!

Bio
Personnalité médiatisée du monde juridique, Me Grey est un plaideur chevronné.
Il a aussi donné de nombreuses conférences, tant au Canada et à l’international.
Pour n’en nommer que quelques-uns, il fut panéliste invité au Yale Center for International Studies ainsi qu’à la Vanderbilt University.
Auteur du livre Immigration Law In Canada, il a rédigé plus d’une cinquantaine d’articles publiés dans des revues et journaux.
En 2004, Me Grey s’est vu offrir la plus haute distinction décernée à un avocat au Québec, soit la Médaille du Barreau du Québec, qui souligne la contribution remarquable de juristes québécois à l’avancement du droit et de son exercice.
Me Grey est membre du barreau du Québec depuis 1974 et du Barreau du Manitoba depuis 1978.
Il est diplômé de l’Université McGill en droit, en musique, ainsi qu’en littérature russe.
Il a de plus obtenu une maitrise en droit de l’Université d’Oxford.
Professeur agrégé à l’Université McGill pendant de nombreuses années, il a enseigné des matières telles le droit administratif, le droit de l’immigration et le droit de la famille.
Il a été également chargé de cours à l’Université de Montréal,  en plus d’enseigner au Barreau du Québec.


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