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Faisons parler les leaders – Benoit Dubé

15 August, 2013

Au tour de Benoit Dubé, vice-président exécutif et avocat en chef de CGI de raconter son parcours professionnel et d’en confier les défis à Dominique Tardif.

Pourquoi avez-vous décidé à l’origine d’être avocat plutôt que de choisir un autre métier? Était-ce une évidence pour vous, le résultat d’un processus d’élimination ou le fruit de longues réflexions?
J’ai su assez rapidement que je ne voulais pas me diriger du côté des sciences. Comme nous faisons au Québec ces choix assez rapidement dans le cadre de notre parcours académique, j’ai cherché à faire une formation qui soit la plus générale possible. Le droit était non seulement une bonne façon d’en apprendre plus sur nos origines et notre culture, étant le reflet d’où l’on vient, mais il allait aussi me donner les outils nécessaires pour faire une foule de choses.
À l’époque, j’étais très intéressé par la diplomatie et je percevais le droit comme un bon moyen d’y parvenir ultérieurement.

Je suis donc entrée en droit, ai fait un stage puis travaillé pour un cabinet que j’appréciais et qui me permettait de bien gagner ma vie. Finalement, je n’ai pas pensé faire autre chose, réajustant mes objectifs de carrière et ne poursuivant pas en maîtrise. Après un MBA à Western, je suis retourné en droit, même si l’idée m’avait effleurée, à l’époque, de changer de carrière et de me réorienter en finance. Je ne l’ai pas regretté depuis !

Quel est le plus grand défi professionnel auquel vous avez fait face au cours de votre carrière?
Sur le plan personnel, mon plus grand défi a été de faire mon entrée en droit à McGill. Nous étions peu à venir directement du cégep, à être acceptés. Le programme me paraissait très intéressant et permettait en plus d’obtenir les deux diplômes. Mon anglais de l’époque était encore approximatif et j’ai donc dû apprendre excessivement rapidement : j’enregistrais mes cours au début pour me permettre de les réécouter, mais j’y suis arrivé!
Sur le plan professionnel, mon plus grand défi vient de mon passage chez Cognicase, lorsque nous avons reçu une offre non sollicitée d’achat par une société publique, CGI. En tant que société, nous n’étions évidemment pas préparés à recevoir une telle offre (non sollicitée), avec laquelle nous étions en désaccord quant aux termes de départ. Il était cependant très important se positionner finement dans nos réponses, comme nous ignorions encore la façon dont les choses se dérouleraient. J’ai ainsi participé aux réunions du conseil d’administration et à l’élaboration des énoncés publics de la compagnie, ayant beaucoup d’intérêt à conjuguer à la fois ceux du conseil et ceux de la compagnie. Il fallait faire en sorte que tout le monde puisse se rejoindre dans le processus. L’expérience fut pour moi qui dirigeais les affaires juridiques de Cognicase  à l’époque, extrêmement intéressante.

Si vous aviez une baguette magique, que changeriez-vous à la pratique du droit?
Nous travaillons dans un monde devenu extrêmement concurrentiel et qui pourrait, à mon avis, bénéficier de certains changements sur le plan de la conformité. En effet, les règles auxquelles les sociétés publiques sont soumises doivent faire en sorte d’ajouter une valeur véritable pour les investisseurs.
Or, à l’heure actuelle, ce n’est pas toujours le cas. En effet, il existe un ensemble d’obligations à remplir, notamment en matière de divulgation en réponse aux cas extrêmes qui se sont produits dans le passé et qu’on veut à tout prix éviter aujourd’hui. Cela ajoute beaucoup aux efforts internes des  sociétés publiques… mais sans apporter beaucoup de valeur ajoutée. Plutôt que de supporter davantage les opérations qui ont un impact réel sur nos investisseurs et nos employés, nous (les compagnies publiques) passons donc un temps considérable à répondre à ces exigences, qui mériteraient sans doute d’être assouplies à certains égards.

La perception du public envers la profession et les avocats en entreprise est-elle plus positive, égale ou moins positive qu’elle ne l’était lors de vos débuts en pratique? Et pourquoi, à votre avis?
À mon avis, le public n’a pas vraiment d’opinion à ce sujet. Car il ne connaît que très peu le travail des avocats en entreprise. L’opinion du public est davantage liée aux causes médiatisées, dont celles en droit criminel par exemple. Les avocats d’entreprise sont peu associés à l’image véhiculée, de sorte que la perception du public est plus ou moins égale à ce qu’elle a été et à ce qu’elle sera dans un avenir prochain.

Quel conseil donneriez-vous à quelqu’un débutant sa carrière? Comment devient-on Benoît Dubé, ou un chef des affaires juridiques?
Contrairement au passé où les avocats d’entreprise avaient davantage un rôle administratif et de coordination des avocats externes, la tendance actuelle est au développement de l’expertises à l’interne. Les avocats ont ainsi intérêt à considérer de près la possibilité de faire carrière en entreprise, d’autant plus que cela ajoute un élément très intéressant à la pratique du droit, en offrant à l’avocat la possibilité de travailler chaque jour avec le département des finances, des achats, des ressources humaines et bien d’autres. La pratique est enrichie par le fait qu’elle est très variée, et elle permet en plus de contribuer au succès d’un client en particulier.

Et que faut-il pour réussir?
Avoir complété un MBA m’’a donné la possibilité de développer une vision qui me permet d’échanger au quotidien avec les non-juristes de l’entreprise, de comprendre les enjeux à titre de membre de l’exécutif et d’apporter une contribution qui soit à un niveau autre que ce qui est strictement juridique. Le plus beau compliment que l’on puisse faire aux avocats de notre département juridique est de reconnaître qu’on peut agir comme un partenaire d’affaires dont l’apport dépasse les considérations strictement techniques et juridiques.
Je crois aussi qu’il est important pour les jeunes d’avoir une formation qui leur permette d’être le plus mobiles possible. La réalité québécoise est telle que de moins de moins de sièges sociaux sont situés dans la province. Or, les décisions sont généralement prises dans ces mêmes sièges sociaux. Même s’il existe encore de très beaux postes au Québec, il en existe moins, et l’avocat qui souhaite jouer un rôle de haut niveau au sein d’une entreprise doit donc être mobile ou “exportable”. Le diplôme de common law donne certainement un atout en ce sens, d’autant que plusieurs employeurs recherchent des gens qui soient en mesure de faire le lien entre ces deux systèmes de droit.

En vrac…
• Le dernier bon livre qu’il a lu : “A Briefer History of Time”, de Stephen Hawking.
• Le dernier bon film qu’il a vu : “Lincoln” de Steven Spielberg.
• Sa chanson fétiche du moment : “Skyfall” d’Adele, vous l’aurez compris c’est un grand amateur de James Bond !
• Son expression préférée :  Just do it parce qu’il apprécie les gens qui font le travail et savent livrer la marchandise à l’intérieur des échéanciers prescrits et sans excuse.
• Son péché mignon : le vin rouge en particulier celui du Nouveau Monde.
• Son restaurant préféré : le Club Chasse & Pêche, rue Saint-Claude à Montréal.
• Le pays qu’il aimerait visiter : le Japon.
• Le personnage historique qu’il admire le plus : Churchill qui a fait face à de grands défis historiques et qui les a relevés avec beaucoup de style  et de panache. C’est quelqu’un qui a su développer en parallèle toutes sortes d’autres intérêts : il a gagné deux Prix Nobel, s’intéressait à la peinture, avait une formation de briqueteur et écrivait.
• S’il n’était pas avocat, il aurait aimé être… ambassadeur !

Bio

Me Benoit Dubé s’est joint à CGI en 2003 à titre de vice-président, Affaires juridiques, et occupe maintenant le poste de vice-président exécutif et avocat en chef. Il dirige l’équipe d’avocats de CGI qui travaillent en Amérique du Nord, en Europe et dans la région de l’Asie Pacifique. Il est également membre du Comité exécutif de CGI. Me Dubé est notamment responsable de la gestion du risque contractuel, de la conformité réglementaire, de la gouvernance, de la gestion des litiges, de même que du programme d’assurance de l’entreprise. Auparavant, Me Dubé a dirigé le service juridique de Cognicase Inc., une société cotée en bourse acquise par CGI en 2003. Il a également été sociétaire chez McCarthy Tétrault et a agi à titre de conseiller juridique pour BCE inc. et pour l’Association des banquiers canadiens. Me Dubé détient un baccalauréat en droit civil et un baccalauréat en common law de l’Université McGill, une maîtrise en administration des affaires de la University of Western Ontario (Richard Ivey School of Business) et un certificat en commerce international de la Stockholm School of Economics.