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Faisons parler les leaders – Bernard Amyot

26 February, 2014

Cette semaine, Dominique Tardif, de ZSA, s’entretient avec Bernard Amyot, ancien associé de chez Heenan Blaikie à Montréal, qui va ouvrir son propre bureau.

Pourquoi avez-vous, à l’origine, décidé d’être avocat plutôt que de choisir un autre métier ou une autre profession? Était-ce de génération en génération, ou plutôt le fruit du hasard?
Je suis né dans une famille de médecins: mon père et ma mère l’étaient, de même que mes deux grands-pères et certains de mes oncles. Or, je ne voulais pas suivre leur trace : j’entrais dans un hôpital et…je m’évanouissais! L’été, pendant mes études, je travaillais dans les hôpitaux. Le seul endroit où je pouvais rester conscient toute la journée était au troisième sous-sol, dans les archives radiologiques! On a bien tenté de me faire nettoyer les calorifères dans les chambres des patients au début, mais il fallait qu’on me sorte pour me faire prendre l’air ici et là!

Quant au droit, j’ai toujours eu le sens de ce qu’on appelle en anglais l’advocacy. J’ai en quelque sorte réalisé le rêve secret de mon père en devenant avocat, d’ailleurs. Le droit m’attirait parce qu’il permet de régler les problèmes qu’ont les gens. Mon mentor, Louis-Philippe de Grandpré, ancien juge de la Cour suprême du Canada devenu avocat-conseil à l’époque chez Lafleur Brown, répétait souvent: « Vous n’êtes pas là pour aller à la Cour suprême, mais plutôt pour régler les problèmes le plus vite possible et dans le meilleur intérêt du client! ».

Quel est le plus grand défi professionnel auquel vous avez fait face au cours de votre carrière?
Il est évidemment difficile de répondre à la question sans référer aux dernières semaines vécues chez Heenan Blaikie. Le cabinet est un des joyaux du milieu juridique montréalais et en est venu à une dissolution malheureuse et dramatique. La leçon que j’en tire est que nous travaillons dans une industrie où la confiance est primordiale.

La confiance de nos clients est évidemment fondamentale – et nous avons su la garder. Cela dit, la confiance entre associés est aussi non seulement très importante, mais en même temps très fragile. Il faut savoir rester vigilant pour éviter qu’elle ne s’érode de façon insidieuse, en la préservant par des gestes quotidiens et en gardant un message positif qui se concentre sur ce qui fonctionne bien plutôt que sur ce qui ne fonctionne pas.

À travers les récents événements, le défi a aussi été, en l’espace de quelques semaines seulement, de réaliser le rêve de démarrer un cabinet boutique de litige avec quatre associés avec qui je travaille depuis dix-sept ans. De faire les choses aussi rapidement, alors qu’en temps normal ce genre d’initiative se réalise sur un horizon de six mois à un an, c’est tout un défi, dont nous sommes d’ailleurs d’autant plus fiers!


Si vous aviez une baguette magique, que changeriez-vous à la pratique du droit?

Le droit est, pour beaucoup, devenu une « commodity». La relation de conseil et de confiance avec le client s’en trouve conséquemment changée, et le rôle qu’avait l’avocat n’est plus toujours le même. Si j’avais une baguette magique, je ferais en sorte de retourner vers le rôle premier de l’avocat, à savoir celui qui agit à titre de trusted advisor pour son client.

La perception du public envers la profession et les avocats en général est-elle plus positive, égale ou moins positive qu’elle ne l’était lors de vos débuts en pratique? Et pourquoi, à votre avis?
Je crois que les efforts qui sont faits permettent à la profession d’être perçue du public de façon généralement positive. C’est cependant, évidemment, un travail ardu et qui n’est jamais terminé.

En effet, des initiatives importantes sont prises par le Barreau du Québec, les Law Societies des autres provinces, le Barreau de Montréal et j’en passe pour agir comme gardien des principes fondamentaux de l’état de droit. Comme avocat, nous nous devons d’agir comme fiduciaires de ces principes, et particulièrement quand ils sont l’objet d’une érosion.

Fait positif : la profession et ses leaders prennent de plus en plus sur eux le fait de défendre des principes comme ceux de l’indépendance de la profession et des tribunaux, la présomption d’innocence, les libertés civiles et les droits des minorités opprimées. Dans les années 60, on avait lutté en faveur de l’aide juridique.

Quand l’état a pris charge de ces cas, on s’en est en quelque sorte déresponsabilisé. Nous sommes aujourd’hui revenus à un meilleur équilibre, en prenant plus souvent en charge les cas de ceux qui n’ont ni accès à l’aide juridique ni accès, vu les taux prohibitifs, aux avocats. Peu à peu, le vide se remplit donc. C’est un rôle fort positif auquel les grands bureaux contribuent également aujourd’hui par le biais des initiatives pro bono, qui selon moi font partie des devoirs que nous avons comme avocats. Ce sens accru de responsabilisation et ce sentiment à l’effet qu’il est nécessaire de faire aident, à mon avis, à redorer le blason de la profession auprès du public.

Quel conseil donneriez-vous à quelqu’un débutant sa carrière et voulant devenir un grand avocat de litige?
D’abord, il faut cultiver l’excellence. Des excellents avocats, il y en a certainement à la tonne, mais il n’en demeure pas moins que l’excellence constitue les « fondations de la maison ».

Il n’est cependant plus suffisant d’être bon. Le seconde ‘recette’ – et la plus importante selon moi – est de cultiver son réseau et de nourrir quotidiennement ses relations avec les gens. C’est quelque chose qu’il faut faire déjà au Barreau; en effet, si vous attendez de savoir qui, de votre classe, sera chef de contentieux d’une grande compagnie dans vingt ans, il sera trop tard. Cultiver son réseau est quelque chose qu’on se doit de faire à tous les jours, sans attendre, de la même façon qu’on s’occupe de ses dossiers quotidiennement. Cela permet de cultiver la confiance des gens en ses capacités et son talent.

En vrac….

Les derniers bons livres qu’il a lus – ‘ Mémoires’ Les trois volumes des mémoires de Télesphore-Damien Bouchard, qui a été pendant 40 ans maire de Saint-Hyacinthe, ministre sous les deux gouvernements d’Adélard Godbout et fondateur d’Hydro-Québec.

Le dernier bon film qu’il a vu – ‘Jobs ’ (réalisateur : Joshua Michael Stern) – avec son fils le soir de la première!

Il adore… Jacques Brel et sa chanson ‘ Jef ’.

Son expression préférée – ‘No good deeds go unpunished’.

Ses péchés mignons – le golf (même s’il dit qu’il n’est pas très bon!) et les boutons de manchette!

Son restaurant préféré – Le Holder (rue McGill).

Il aimerait retourner… en Corée avec son fils, qui est né là-bas.

Le personnage historique qu’il admire le plus : Churchill. Pourquoi? Parce que c’était un leader incroyable et un homme de principe qui a défendu la démocratie quand l’Europe a failli s’écrouler sous le fascisme. C’était par ailleurs un grand écrivain, qui a gagné le Prix Nobel de Littérature en 1953.

S’il n’était pas avocat, il serait…membre du Parlement (sommes-nous vraiment surpris, dites-moi?!?)

Bio

Après plus de quinze ans chez Heenan Blaikie, Me Bernard Amyot ouvrira, le premier mars prochain et avec plusieurs de ses anciens collègues, le cabinet LCM avocats inc.
La pratique de Me Amyot est orientée vers le litige et le droit commercial. Il possède une expérience approfondie devant les tribunaux québécois, pour avoir notamment représenté les plus grands noms du monde du courtage en valeurs mobilières et de l’assurance-vie. Il a donné plusieurs conférences et signé bon nombre de publications sur les enjeux juridiques inhérents aux activités de ces clients. Son travail en défense en responsabilité professionnelle s’étend aussi à celle des avocats. Il agit également en tant que conseiller principal dans de nombreux recours collectifs soulevant des questions transfrontalières et relevant de multiples juridictions au Canada.
La clientèle de Me Amyot comprend également des sociétés œuvrant dans l’industrie des cosmétiques, le secteur manufacturier, le commerce de détail, l’immobilier, la construction et l’édition.
Le Barreau a bénéficié du dévouement constant de Me Amyot. En 2007-2008, il a été président national de l’Association du Barreau canadien. Auparavant, il a également été président de l’Association du Jeune Barreau de Montréal puis membre du Conseil du Barreau de Montréal et du Comité exécutif du Barreau du Québec. Il a été président de l’American Counsel Association ainsi que coprésident de l’Assemblée annuelle de la Section litige de l’American Bar Association qui a eu lieu à Toronto, en août 2011.
La présence de Me Amyot auprès du milieu des affaires et de la communauté est également très importante. Il a été président du conseil d’administration du Collège Jean-de-Brébeuf de 2005 à 2011 et a été administrateur de l’Orchestre symphonique de Montréal. En 2012, il est devenu Président du Conseil d’administration de l’École nationale de théâtre du Canada.
Me Amyot a été récipiendaire, en 2009, du titre honorifique Avocat émérite décerné par le Barreau du Québec. En 2011, il est devenu Fellow de l’American College of Trial Lawyers. Il est reconnu comme un des meilleurs praticiens en matière de litige commercial aux fins des éditions 2012, 2013 et 2014 du répertoire The Best Lawyers in Canada (Woodward / White). Me Amyot a été reconnu dans le Canadian Legal Lexpert Directory en 2012 et 2013 pour son expertise en litige en valeurs mobilières. En 2012, il a reçu la Médaille du jubilé de diamant de la Reine Élizabeth II, créée pour reconnaître les contributions et réalisations de canadiens et canadiennes dans l’intérêt de leurs concitoyens, leur communauté, leurs organisations et leur pays.
Me Amyot est candidat au Parti libéral du Canada dans la circonscription de Ville-Marie en vue des prochaines élections fédérales.