Blog

Faisons parler les leaders – Bernard Boucher

15 August, 2013

Cette semaine, Dominique Tardif, de ZSA, rencontre Bernard Boucher, associé chez Blakes.

Pourquoi avez-vous, à l’origine, décidé d’être avocat plutôt que de choisir un autre métier?
J’ai toujours eu une grande facilité pour l’expression orale : à l’école, je prenais plaisir à faire des exposés. Il m’est même arrivé d’en faire un d’environ quatre heures : ça avait duré trois cours!
J’ai quand même hésité entre le droit et la psychologie et, quand est venu le temps de choisir, j’ai opté pour le droit. Ma mère, de son côté, était elle aussi intéressée par le droit et m’a encouragée en ce sens. Je ne l’ai jamais regretté.
Si le litige a toujours été un secteur d’intérêt pour moi, c’est un concours de circonstances qui a fait en sorte que je me suis retrouvé en insolvabilité : un associé avait besoin d’un jeune avocat dans le domaine, et j’en ai peu à peu fait de plus en plus.

Quel est le plus grand défi professionnel auquel vous avez fait face au cours de votre carrier?
Deux dossiers me viennent plus particulièrement en tête, à savoir ceux de Marciano et de D.I.M.S. Construction.
Le premier, Marciano, fut un dossier très haut en couleurs, où nous représentions, pour la portion canadienne du dossier, le syndic américain de la faillite du fondateur de Guess Jeans. Nous tentions de récupérer des actifs qui avaient été transférés des États-Unis au Canada. Ce fut un dossier d’une intensité incroyable, avec une quantité de procédures inimaginable, un niveau de complexité très grand et beaucoup de questions de droit nouveau.
Quant au dossier de D.I.M.S. Construction, j’ai travaillé dessus pendant… huit ans! Le dossier a  généré un nombre impressionnant de litiges, dont cinq ou six procès au fond, trois auditions en Cour d’appel  et une devant la Cour suprême sur une question particulière. J’ai, vraiment, été amené à travailler sur toutes sortes de questions dans ce dossier!
Outre les dossiers, le grand défi de l’avocat d’insolvabilité est de gérer sa carrière à travers une pratique qui est par définition cyclique : on peut aller de périodes où l’on facture 2300 heures par an à des périodes qui sont un peu moins occupées. Il devient donc essentiel de développer une certaine polyvalence et d’avoir la capacité d’aussi servir des clients parfaitement solvables, en se bâtissant un réseau de clients composé d’entreprises prospères auxquelles le cabinet rend des services de toute nature.

Si vous aviez une baguette magique, que changeriez-vous à la pratique du droit?
Ce que je changerais d’un coup de baguette magique? C’est ce que j’appelle la ‘tyrannie de l’heure chargeable’. Les avocats sont fondamentalement anxieux. Il est, en effet, rare qu’un praticien dise que son niveau d’occupation est satisfaisant : il est soit trop occupé, soit pas assez, et cette façon de penser découle des objectifs qui sont fixés. À un certain stade de notre carrière, prendre un dossier de plus, puis un autre et un autre encore, fait parfois en sorte que l’on se retrouve dans une situation où il reste peu de temps pour soi, ou à peu près. En effet, plus l’expérience s’accumule, plus nous avons tendance à travailler sur des mandats de plus en plus importants. Travailler sur un de ces dossiers implique de charger 1000-1200 heures par an. En avoir un seul implique donc de ne pas être assez occupé, alors qu’en avoir deux implique de l’être presque trop. Dans un monde idéal, je ferais donc en sorte que le volume de travail puisse être mieux géré et qu’il soit possible d’avoir un flot continu et régulier de mandats.

La perception du public envers la profession et les avocats en général est-elle plus positive, égale ou moins positive qu’elle ne l’était lors de vos débuts en pratique? Et pourquoi, à votre avis?
La perception est, à mon avis, égale à ce qu’elle était à mes débuts, et n’est pas bonne. La profession est, oui, respectée, mais est cependant toujours teintée d’un certain degré de scepticisme.
Une des raisons de cela réside dans le fait que ce que l’on ‘vend’ est quelque chose d’intangible. Les choses sont, en effet, plus faciles à évaluer lorsqu’on facture des vis et des boulons : le produit est alors tangible. Dans notre cas, le client voit une partie du ‘produit’ que l’on rend, mais doit avoir une véritable relation de confiance avec l’avocat comme il est impossible pour lui d’évaluer, même s’il paie ultimement la facture, si les heures travaillées ont vraiment été de 100 plutôt que, par exemple, de 80.  Il n’est pas toujours facile, pour un client, d’apprécier la valeur du talent et des connaissances, par opposition à autre chose. Ceux qui ont l’habitude de travailler avec des avocats comprennent mieux cette réalité, alors que les choses peuvent être différentes pour quelqu’un qui en est à sa première expérience du système judiciaire.

Quel conseil donneriez-vous à quelqu’un débutant sa carrière et souhaitant réussir en pratique privée?
D’abord, il faut s’assurer de s’être bien orienté, et se poser la question quant à savoir si on est dans l’environnement de travail qui nous convient, qu’il s’agisse du grand ou du petit cabinet ou encore de l’entreprise.
Il faut aussi être prêt à faire les sacrifices qu’impose la profession d’avocat. L’intelligence et l’expérience ne suffisent pas si on n’est pas prêt à travailler fort. On ne peut, en effet, plaider une cause qu’on n’a pas lue, et ‘jouer dans la ligue des grands’ sans s’investir à fond.
Il est aussi essentiel et crucial de développer un réseau de contacts étendu. Être le meilleur avocat de la ville de Montréal ne mène à rien si personne ne le sait! Il faut donc avoir du rayonnement, gagner l’appréciation des pairs et clients potentiels, et montrer à la clientèle qu’on mène leurs mandats comme si nos propres enjeux étaient en cause.
Enfin, il faut adopter une approche pratique, en se rappelant que le droit est un outil, non une finalité. Quand un client est paniqué et nous appelle, il ne cherche pas à avoir un exposé sur la Loi sur la faillite ni à obtenir une opinion de douze pages sans conclusion, mais à savoir ce qu’il faut faire et comment. Le droit doit aider les clients, de façon concrète, à atteindre ou à se rapprocher de leur objectif.

En vrac…
Le dernier bon livre qu’il a lu – ‘Pas’, d’Yves Boisvert, chroniqueur à La Presse.
Le dernier bon film qu’il a vu : ’Django Unchained’  (réalisateur : Quentin Tarantino)
Sa chanson fétiche : What doesn’t kill you makes you stronger (auteurs-compositeurs: Jörgen Kjell Elofsson, Gregory Allen Kurstin, David H Gamson, Alexandra Leah Tamposi)
Son péché mignon – le vin!
Son restaurant préféré  –  Le 357C (Rue de la Commune)
Le pays qu’il aimerait visiter – La Croatie
Le personnage historique que vous admirez le plus (et pourquoi?) – Pierre Elliott Trudeau, pour sa personnalité tranchée, le fait qu’il avait ‘de la couleur’, savait exprimer ses opinions, bonnes ou mauvaises. Ce n’est à coup sûr pas un politicien qui ‘gérait par sondage’!
S’il n’était pas avocat, il… rénoverait des maisons!

Bio

Me Bernard Boucher est associé chez Blakes. À titre de chef du groupe Restructuration et insolvabilité de Montréal, Me Boucher a participé à diverses opérations considérables de restructuration et d’insolvabilité. Au fil des ans, il a agi pour le compte de plusieurs institutions financières et syndics de faillite, plaidant de nombreuses affaires en leur nom devant la Cour supérieure, la Cour d’appel du Québec et la Cour suprême du Canada.
De plus, Me Boucher a agi pour le compte de plusieurs sociétés à titre de conseiller juridique d’entreprise relativement à leurs affaires courantes. Il exerce également dans le domaine du litige commercial.
Me Bernard Boucher est membre du Barreau du Québec depuis 1986. Il est coauteur d’un ouvrage intitulé Faillite et Insolvabilité, une perspective québécoise de la jurisprudence canadienne, largement considéré comme faisant autorité dans le domaine au Québec. Il a également souvent agi à titre de conférencier sur ce sujet.