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Faisons parler les leaders – Bill Brock

15 January, 2014

Cette semaine, Dominique Tardif, de ZSA, s’entretient avec Bill Brock, associé chez Davies et pratiquant dans les groupes Litige et Communications et médias.

Pourquoi avez-vous, à l’origine, décidé d’être avocat plutôt que de choisir un autre métier? Une histoire de famille, un rêve d’enfant ou une coïncidence?

Mon père avait une compagnie manufacturière de chauffe-eau et fournaises. J’étudiais pour ma part en finance à McGill, et mon père espérait que je me joigne à lui après mon baccalauréat. Or, je voulais, plutôt que de travailler au sein de l’entreprise familiale, avoir une vie plus indépendante. Par pure chance, j’ai trouvé le droit, une discipline dans laquelle j’ai pensé que je pourrais être compétent et que je pourrais aussi aimer. Même si je n’en savais que peu au moment de faire mon choix, le droit me semblait être une option d’intérêt pour poursuivre mon éducation.

Après le Barreau, j’ai donc fait mes débuts en droit commercial. Un associé de mon cabinet m’a dit un jour: You’re on the wrong side of the business. Je t’ai regardé dans la salle de conférence tout à l’heure, et tu es vraiment de nature adversariale. As-tu déjà pensé au litige?’ J’ai répondu non; ça ne m’avait, en effet, jusque-là pas traversé l’esprit. J’ai quand même décidé d’essayer le litige…et l’ai adopté depuis!

Quel est le plus grand défi professionnel auquel vous avez fait face au cours de votre carrière?

Mon plus grand défi a été, après avoir vaincu la leucémie myéloïde aiguë qu’on m’a diagnostiquée en 2004, de retrouver ma vie au quotidien. Pour cela, il fallait réussir à mettre tout cela derrière moi, à ne pas me laisser définir par la maladie, soit à ce qui était avant et ce qui vient après, et à éviter, en somme, de me percevoir comme un survivant. Lorsqu’on m’a demandé de parler aux gradués de la Faculté de médecine de l’Université de Montréal, j’ai justement tenté de leur expliquer que leur défi n’était pas seulement que de guérir la maladie et ses symptômes, mais d’aider les patients à retrouver leur vie d’antan.

Dans mon cas, deux dossiers m’ont aidé en ce sens. D’abord, le dossier de BCE, qui m’a forcé à travailler 18 heures par jour pendant un an. Vous savez, courir des marathons, ça donne de l’endurance et de la force! BCE m’a appris que je pouvais le faire à nouveau, que je n’étais plus faible. Puis, le dossier du Globe & Mail m’a appris quelque chose de différent, à savoir que j’avais besoin de travailler à nouveau et que ce que je faisais était important. En effet, nous avons la chance d’avoir une profession noble, qui nous amène à défendre des principes d’importance qui vont bien au-delà de l’argent et des heures facturables.

Si vous aviez une baguette magique, que changeriez-vous à la pratique du droit?

C’est irréaliste, bien sûr, mais comme nous parlons de baguette magique, je répondrais: l’abolition des heures facturables! En effet, je ne crois pas qu’il s’agisse d’un bon système, comme les intérêts du client et de l’avocat ne vont forcément pas toujours dans la même direction.

Si je pouvais changer les choses d’un coup de baguette magique, je retournerais au bon vieux temps et à l’époque où les avocats facturaient ce qu’ils pensaient être approprié. Évidemment, ce serait là un exercice impossible dans un cabinet comptant des centaines d’avocats; il nous faut évidemment des paramètres pour évaluer la valeur de nos services. Il n’empêche que de faire en sorte que les intérêts de tous soient alignés changerait complètement la profession, plutôt que de permettre que le nombre d’heures facturées soit le produit vendu par les cabinets d’avocats…parce que ça ne peut pas l’être, tout simplement.

La perception du public envers la profession et les avocats en général est-elle plus positive, égale ou moins positive qu’elle ne l’était lors de vos débuts en pratique? Et pourquoi, à votre avis?

Je ne pense pas que la perception ait vraiment changé, et j’ose espérer qu’elle soit généralement positive. Je suis impliqué auprès du Conseil de discipline du Barreau du Québec – ce qui me tient bien à cœur d’ailleurs – et je constate que notre ordre professionnel a fait un excellent travail en sachant se montrer strict envers les avocats. Le problème de l’accessibilité du public envers la profession demeure évidemment bien réel, néanmoins. En dépit de cela, je crois que nous ne nous en tirons pas mal du tout, notamment lorsqu’on se compare à d’autres professions.

Quels conseils donneriez-vous à quelqu’un débutant sa carrière et souhaitant réussir?

J’en aurais quatre :

1 – Pensez aux intérêts de votre client. Je crois sincèrement que, de bien des façons, cela a constitué l’une des clés de mon succès. Votre client n’est pas votre adversaire ni quelqu’un qui vous permet de faire le plus d’argent possible. Votre travail, c’est de l’aider. Si votre client sait que c’est la façon dont vous voyez les choses, il verra à bien vous traiter au fil du temps. Votre client appréciera votre approche, et on dira de vous que vous êtes fiable et que l’on peut compter sur vous. Alors: always do what is right for your client.

2 – Rappelez-vous que le client ne vous embauche pas pour votre connaissance du Code de procédure civile ou parce que vous savez bien rédiger! Il retient vos services pour deux choses: votre objectivité et votre jugement. Pourquoi? Parce que le client ne l’est justement probablement pas, lui, objectif et plein de bon jugement quant à son propre dossier.

3 – Comprenez l’information financière disponible au sujet des compagnies impliquées. J’ai la chance d’avoir fait des études en finance, et vous incite à vous accorder cette même chance, parce qu’il est autrement difficile d’agir dans un contexte d’affaires. Je crois pour ma part que le litige est une continuation des négociations par d’autres moyens. Mon travail n’est pas d’obtenir un jugement. Si je me rends à procès, c’est que je n’ai pas su convaincre l’autre partie d’une proposition acceptable qui passe nécessairement par la compréhension de la réalité d’affaires des parties.

4 – Ne soyez pas unidimensionnel. Le droit est votre profession et ce que vous faites, mais non ce que vous êtes. Ayez une vie dynamique, cultivez vos autres intérêts, même si parfois le temps vous manque. En effet, vous n’êtes pas que des avocats: vous êtes bien plus que cela.

Et il a terminé l’entrevue en citant un poème. Avocats, faites acte d’humilité et lisez ces lignes de ‘The indispensable man’ :

Some time when you’re feeling important;
Some time when your ego’s in bloom;
Some time when you take it for granted,
You’re the best qualified in the room;
Some time when you think that your going,
would leave an unfillable hole;
Just follow this simple instruction
And see how it humbles your soul.
Take a bucket and fill it with water;
Put your hands in it up to your wrists;
Pull them out – and the hole that remains;
Is the measure of how much you’ll be missed.
You may splash as you please when you enter;
You may stir up the water galore;
But stop – and you’ll find in a second,
That it looks just the same as before.
The moral of this is quite simple;

 Do just the best that you can,
and be proud of yourself – but remember;

There is no indispensable man

En vrac…

Les derniers bons livres qu’il a lus – Si l’un de ses livres préférés est certainement The Tipping Point (auteur: Malcolm Gladwell), l’un de ceux qu’il a lus récemment (et adoré) est Thinking fast and slow (auteur: Daniel Kahneman, prix Nobel de la psychologie comportementale). Il m’en a d’ailleurs gentiment envoyé une copie!

Un film qu’il trouve formidable – Laurence d’Arabie (réalisateur : David Lean)

Sa chanson fétiche – ‘What a wonderful world` (Louis Armstrong) – à écouter comme lui dans les Îles Fiji en faisant du kayak!

Quelque chose qui lui tient à coeur: le Fonds d’enseignement et de recherche sur les cancers du sang. L’argent récolté par la vente de son livre, Portraits d’espoir, illustré de magnifiques photographies qu’il a lui-même prises, sert à financer des bourses de recherche et le Centre d’excellence en thérapie cellulaire de l’hôpital Maisonneuve-Rosemont, avec pour objectif de mener à de nouveaux traitements encore plus performants. Pour contribuer ou acheter une copie : www.portraitsdespoir.ca.

Ses expressions préférées – Le mieux est l’ennemi du bien (Yogi Berra) et ‘It’s okay to make mistakes, as long as you don’t make the wrong mistake.’

Son péché mignon – Ne rien faire (quand il en est capable, ce qui arrive rarement, ajoute-t-il dans un rire!)

Son restaurant préféré – Cosmos, pour le déjeuner (Sur Sherbrooke Ouest)

Un pays où il aimerait retourner – En Hongrie, pour Budapest mais aussi, et plus particulièrement, pour la ville de Tolcsva, le village de ses grands-parents où il s’est tout de suite senti comme à la maison, même s’il ne parle pourtant pas la langue.

Le personnage historique qu’il admire le plus (et pourquoi?) – Oseola McCarty, pour ce qu’elle nous apprend par sa grande humilité. Vous ne la connaissez pas? Faites comme moi et lisez son histoire ici.

S’il n’était pas avocat, il serait…guide professionnel de kayak!

Bio

Me Bill Brock est associé chez Davies et fait partie des groupes de pratiques du cabinet axés sur le Litige et les Communications et médias. Son expertise porte notamment sur les litiges complexes en droit commercial, en droit des sociétés et en droit des valeurs mobilières, les allégations de fraude et de détournement (y compris les injonctions de type Mareva), les litiges relatifs aux droits des actionnaires, la concurrence déloyale et les poursuites en diffamation, les questions relatives aux communications et médias, l’arbitrage (à titre de conseiller juridique et d’arbitre) et les différends internationaux. Il intervient aussi bien en première instance qu’en appel, y compris devant la Cour suprême du Canada, et conseille d’importantes sociétés canadiennes. Il est membre du Conseil disciplinaire du Barreau du Québec, et son nom a figuré dans de nombreux répertoires au fil des ans, dont le Who’s Who of Canada, le Chambers Global, les 500 Leading Lawyers in Canada, le Canada’s 100 Most Creative Lawyers, le 500 Leading lawyers in Canada et le journal Lexpert.
Me Brock a reçu le Israel Cancer Research Fund’s Community Fellowship Honorary Recipient Award en avril 2013. Il a été décoré de la Médaille du jubilé de diamant de la reine Elizabeth II en février 2013 pour son engagement remarquable auprès de la communauté, et a été désigné avocat émérite par le Barreau du Québec en mai 2009.

Me Brock est détenteur d’un baccalauréat en droit ainsi que d’un baccalauréat en commerce de l’Université McGill. Il est membre du Barreau du Québec depuis 1979.

Il est fondateur du Fonds d’enseignement et de recherche sur les cancers du sang de l’Hôpital Maisonneuve-Rosemont et participe activement à ses levées de fonds, en plus de donner du temps à aider les patients, et ce, sur une base quasi-quotidienne. Le Fonds a été créé en novembre 2006 grâce à un don substantiel de Me Brock, qui a survécu à une greffe de moelle osseuse suite à un diagnostic de leucémie aiguë et grâce aux soins qu’il a reçus à l’Hôpital Maisonneuve-Rosemont. Me Brock est auteur et photographe du livre Portraits d’espoir publié en juin 2012 par Les Presses de l’Université de Montréal.

Il s’est vu décerner la Médaille d’Honneur de la Faculté de Médecine de l’Université de Montréal en 2010 et participe activement à aider la communauté, notamment en agissant comme avocat pro bono et à titre de membre de conseils d’administration de diverses organisations.