Faisons parler les leaders – Claude-Armand Sheppard

Faisons parler les leaders – Claude-Armand Sheppard

29 January, 2013

Cette semaine, Dominique Tardif rencontre Me Claude-Armand Sheppard. Un entretien autour des clés de la réussite et des réalités de la profession.

Me Claude-Armand Sheppard est associé fondateur de Robinson Sheppard Shapiro.

Pourquoi avez-vous décidé d’être avocat? Était-ce un «accident de parcours», ou un choix bien décidé d’avance?
C’était presqu’un accident, dans mon cas : avant de faire mon droit, j’avais une carrière partiellement dans le journalisme.
J’avais terminé des études littéraires et me dirigeais vers un doctorat en poésie romantique allemande à Munich.
Mon père est décédé à cette période, et je me suis dit qu’il serait peut-être mieux de penser à « faire une profession ».
J’ai réussi à convaincre McGill de me donner une bourse à la faculté de droit, en renonçant à mon autre bourse pour Munich.
J’avoue que j’ai détesté l’étude du droit, à part les cours d’un ou deux professeurs.
Le droit romain, le droit international et le droit des obligations ne m’excitaient pas beaucoup!
Ce qui ne m’a pas empêché d’avoir de bons résultats et de réussir. C’est le jour où j’ai commencé à avoir des clients et à sortir de la théorie que j’ai découvert que c’était quelque chose que j’aimais beaucoup.

Quel est le plus grand défi professionnel auquel vous avez fait face au cours de votre carrière? Était-ce le dossier Morgentaler ?
Je dirais que le plus grand défi était probablement antérieur de quelques années à celui de l’affaire Morgentaler.
J’ai été, avec Gilles Duguay et Guy Guérin, l’avocat des 21 premiers terroristes felquistes du Québec.
C’était une cause très difficile, tant sur le plan juridique que moral. On découvrait le terrorisme au Québec.
Ce qui impliquait de défendre des gens avec qui vous n’étiez pas en accord, et qui savaient que vous n’étiez pas d’accord avec eux. Dans des cas comme ceux-là, vous apprenez vraiment à exercer votre profession objectivement et à défendre les intérêts de vos clients, sans nécessairement épouser leur cause. C’était vraiment le baptême par le feu!
Ils  étaient accusés d’avoir comploté, utilisé la violence et causé la mort de certaines personnes au nom de l’indépendance.
Nous étions trois avocats de trois différents cabinets à travailler sur ce dossier, et nous les représentions tous les 21, ensemble.
L’ambiance était excessivement tendue: on expérimentait pour la première fois ce problème du terrorisme au Québec et il y avait beaucoup d’hystérie dans l’air. Ça a donc pris quelque temps avant de revenir aux principes de droits fondamentaux. Ça a duré de mémoire environ un an, et tout le monde a fini par plaider coupable. Je faisais à l’époque du droit civil et du criminel.
Me Guérin avait un cabinet, et moi le mien. Il fallait aussi faire accepter à nos autres clients qu’on pouvait défendre ces gens-là sans vendre notre âme. Mon cabinet a très bien compris la chose.
Quand les clients ont vu qu’on menait la cause professionnellement, ils étaient plutôt curieux qu’hostiles, en fait.

Et pour quelle raison n’avez-vous pas répondu à notre question par l’affaire Morgentaler ?
Parce que j’étais aguerri à ce moment; parce que j’avais déjà, à ce moment, fait la cause du FLQ et  celles d’autres clients qui n’étaient pas exactement populaires, disons-le. Même si l’affaire Morgentaler était un défi infiniment plus stimulant intellectuellement et sociologiquement.

Si vous pouviez changer quelque chose à la pratique du droit, de quoi s’agirait-il ?
Un problème absolument évident est qu’il est pratiquement impossible pour quelqu’un qui n’est pas soit très riche, soit très pauvre d’avoir accès à des conseils juridiques compétents et soutenus.
Je ne pourrais moi-même pas me permettre mes propres services si j’avais un dossier long et compliqué.
C’est un problème économique et endémique.

Comment régler  le problème ?
Je pense qu’il va falloir augmenter le travail pro bono.
Mais ce n’est pas la solution parfaite, car ça laisse dans l’impossibilité d’avoir recours à des services d’avocats toutes les personnes qui ne sont pas dans la misère. Peut-être faudrait-il arriver à déjudiciariser bien des choses, et travailler à trouver bien d’autres solutions. Ce n’est pas seulement pour les procès que c’est très cher; c’est aussi pour les consultations.
Il n’est pas rare, à titre d’exemple, de voir qu’un arbitrage coûte aussi cher qu’un procès.

Quel conseil donneriez-vous à quelqu’un débutant sa carrière et voulant réussir en litige ?
Travailler travailler travailler. Réfléchir réfléchir réfléchir. Pour moi, la qualité essentielle que l’on recherche chez un avocat, peu importe le domaine, est qu’il soit assidu et consciencieux, et qu’il pense et réfléchisse.
Si je devais répondre à la question « quelle est la plus grande qualité que j’attends d’un avocat? », je dirais: le jugement.
Pour les connaissances, il y aura toujours les livres et les recherches. C’est le jugement qui est la qualité irremplaçable.
Il y a beaucoup d’hommes savants dans la profession et de gens qui sont préparés en droit, mais qui manquent parfois de jugement, de réflexes et de pondération.

Et est-ce que ça s’acquiert, le jugement ?
Oui, évidemment – sauf si vous êtes stupide au départ, bien sûr!
Les jeunes doivent apprendre à réfléchir.
Ils doivent se demander quel est le meilleur moyen d’arriver au but en utilisant des moyens acceptables et respectables.
Il ne faut pas oublier qu’il ne faut pas que l’opération réussisse, mais que le patient en meure. C’est quelque chose qui s’apprend, qui s’inculque. Beaucoup d’avocats ne cherchent pas à trouver pas la solution, mais cherchent plutôt la querelle en transformant le moindre problème en drame coûteux. Ils ne doivent pas oublier qu’il y aura un jour une addition à payer et que ce n’est pas eux qui la paient.

En vrac…
-Dernier bon livre qu’il a lu: « Berlin noir » (Philip Kerr), 3 volumes qui se situent avant, pendant et après la guerre.
-Ses restaurants préférés: Laloux (Avenue des Pins), Club Chasse et Pêche (rue St-Claude), L’Express (rue St-Denis) et… Beauty’s (Avenue du Mont-Royal)!
-Un pays qu’il aimerait visiter:  La Russie
-S’il n’était pas avocat, il serait… probablement journaliste.

Bio
Fondateur de Robinson Sheppard Shapiro et membre senior du groupe de litige, Claude-Armand Sheppard plaide fréquemment devant toutes les instances du Québec et du Canada, incluant la Cour Suprême du Canada.
Les principaux champs de pratique de Me Sheppard incluent le litige civil et commercial, notamment en diffamation, en conflits d’actionnaires, en matière de droit administratif et constitutionnel et en recours collectifs.
Il figure dans LEXPERT comme spécialiste et avocat dominant en litige commercial et corporatif de même qu’en litige sur la diffamation et les sûretés.
Il a aussi été choisi pour être au nombre des avocats dans The Best Lawyers in Canada pour le litige corporatif et commercial.
Me Sheppard a agi comme avocat principal dans un grand nombre des plus importants conflits légaux qui ont été plaidés depuis les quarante dernières années.
Me Sheppard est membre de l’Association du Barreau canadien, du Barreau du Québec, du Barreau de Montréal et de l’American Bar Association. Il est également membre de l’Institut canadien pour l’administration de la justice et a été conseiller auprès de commissions royales, du Procureur général du Canada, de comités parlementaires et de différents gouvernements. Il a été gouverneur de la Fondation du Barreau du Québec. Il est membre de l’American College of Trial Lawyers.
Me Sheppard est l’auteur de nombreux livres et a publié des articles dans le McGill Law Journal, La Revue Thémis, La Revue du Barreau, The Canadian Bar Journal et autres périodiques spécialisés.
Il est aussi l’auteur de L’organisation des professions dans les domaines de la santé et du bien-être au Québec, un rapport de 3000 pages en 9 volumes sur les professions médicales, para-médicales et bien-être pour la Commission royale sur la santé et le bien-être social, ainsi que de Inventaire critique des droits linguistiques au Québec, une étude de 1682 pages, en 3 volumes, sur les droits des langues pour le gouvernement du Québec. Il est aussi l’auteur de The Law of Languages in Canada.
Me Sheppard a obtenu son baccalauréat en lettres en 1955 et son baccalauréat en droit (B.C.L.) en 1958, tous deux de l’Université McGill. Depuis son admission au Barreau du Québec en 1959, il pratique au sein de Robinson Sheppard Shapiro.


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