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Faisons parler les leaders – Claude Bergeron

29 January, 2013

Cette semaine, Dominique Tardif rencontre Claude Bergeron, premier vice-président et chef de la Direction des risques de la Caisse de dépôt et placement du Québec qui nous parle de son cheminement de carrière.

Me Claude Bergeron a été nommé premier vice-président et chef de la Direction des risques le 1er novembre 2010 de la Caisse de dépôt et placement du Québec. À ce titre, Me Bergeron gère les équipes responsables de l’encadrement, de la mesure et de l’analyse des risques de la Caisse.

Pourquoi avez-vous, à l’origine, décidé d’être avocat plutôt que de choisir une autre profession? Était-ce « écrit dans le ciel », ou pas du tout?
Ce n’était pas, non, « écrit dans le ciel ». J’avais une attirance pour les affaires, et je savais que pour y parvenir je devais me doter d’une formation impliquant les affaires et le droit. J’ai donc fait des demandes d’admission en économie et en droit, et j’ai décidé de commencer par le droit, une discipline assez large, en me disant que je pourrais ensuite poursuivre. Le droit était un peu pour moi, à l’époque, un instrument pour parvenir à mes fins, à savoir m’approcher du monde des affaires.
Après mon droit, je me suis demandé si j’irais ou non en administration immédiatement. J’ai plutôt choisi de continuer en faisant le Barreau, puis mon stage. Avec la fiscalité, j’ai trouvé un bon entre-deux entre le droit et les affaires. Ensuite, avec mon expérience à la Caisse de dépôt et placement, j’ai continué à avancer dans ce sens, jusqu’à plus récemment faire la transition des affaires juridiques vers la direction du risque. Il y a, comme on dit, « un certain sens à la flèche » au fil de mon parcours.

Quel est le plus grand défi professionnel auquel vous avez fait face au cours de votre carrière?
Il s’agit certainement de mon expérience à la Caisse dans le cadre de la crise du papier commercial. Il s’agissait à la fois d’une crise d’entreprise et d’une crise de marché. Mon rôle au début, comme vice-président affaires juridiques, a été de faire partie de l’équipe initialement formée pour comprendre les enjeux en cause, et d’appuyer le président de l’époque, Henri-Paul Rousseau, dans la restructuration. Celui-ci a d’ailleurs eu l’initiative, et il faut l’en féliciter d’ailleurs, de mettre les contreparties, les banques internationales et les investisseurs canadiens autour de la même table dans le but de trouver un moyen de solutionner les choses. Lors de la « nuit des longs couteaux du 15 août 2007 du papier commercial », j’étais dans la salle avec les financiers pour discuter de la façon de trouver une solution au problème.
Le défi a été, à travers cette période, d’agir comme avocat de la Caisse, mais aussi de voir mon rôle se transformer de celui, au départ, d’un avocat d’affaires vers celui, à la fin,  de représentant de la Caisse pour aider à trouver une solution à la crise. Il fallait tracer le chemin qui a mené à la restructuration du papier commercial 18 mois plus tard. Il s’agissait de comprendre les grands enjeux et de savoir identifier ce qui se passait réellement, même si l’on avait peu de documents en mains. Les pistes de solution mises en place en août 2008 se sont ensuite fait frapper par d’autres événements de marché. Non seulement il fallait renégocier, mais la Caisse avait au surplus, et en même temps, ses propres enjeux : nous vivions le départ d’un président, puis son remplacement par un autre ensuite frappé par la maladie, tout cela à un moment où le marché s’écrasait.
À partir de ce moment, j’étais « en ligne directe » avec le conseil d’administration pour travailler à la gestion des enjeux. Il fallait prendre des décisions signifiant que la Caisse allait assumer un risque additionnel pour supporter la restructuration, et ce, à un moment où le stress interne au sein de l’organisation était à un maximum. Compte tenu des changements de marché, les solutions devaient constamment être revues. Les renégociations d’octobre / novembre 2008 devaient nous permettre de nous assurer que la solution soit suffisamment solide pour tenir la route à long terme. Cela impliquait non seulement la Caisse, mais aussi l’ensemble des détenteurs de papier commercial au Canada. C’est une expérience de vie qui a été pour moi extrêmement enrichissante d’un point de vue professionnel…même si, compte tenu des impacts malheureux que cela a eus sur la Caisse, je ne peux qu’espérer que personne d’autre n’ait cette même chance!

Si vous pouviez changer quelque chose à la pratique du droit, de quoi s’agirait-il?
Agissant aujourd’hui moi-même comme client, je dirais que la compréhension du lien qui existe entre l’aspect juridique des choses et la raison d’affaires qui est derrière peut être améliorée. Il faut savoir mettre le temps nécessaire à comprendre le risque qui est associé à une décision. On peut, comme avocat, passer un temps fou à négocier une entente qui parfois demandera à son client bien de l’énergie (et parfois même du désespoir), alors que ce n’est pourtant pas, si l’on y pense, fondamental à son entreprise. Il faut au contraire s’assurer que les ententes conclues ne perdent pas de vue leur raison d’être, et qu’elles tiennent compte des risques d’affaires. Il faut savoir être en symbiose avec les orientations et enjeux réels de l’entreprise, dans le but de « mettre le poids aux bons endroits », selon ses besoins véritables. Il ne s’agit pas d’appliquer une recette. Beaucoup le disent, mais nous pouvons encore, autant comme avocat externe qu’à l’interne, faire du progrès dans l’exécution à cet égard.

Comment décririez-vous la perception du public envers la profession?
Je crois que le public reste encore, aujourd’hui, accroché à l’image projetée par une partie des avocats, plutôt qu’au métier et à la profession d’avocat dans son ensemble. Beaucoup de ceux qui sont avocats de profession s’éloignent d’ailleurs du titre à cause de la connotation péjorative parfois associée au fait d’être avocat. Certains pensent encore,  en pensant à un avocat, à cette image de la personne qui argumente pendant des heures sans chercher la solution, alors que ce n’est évidemment pas représentatif de l’ensemble des avocats, bien au contraire!

Quel conseil donneriez-vous à quelqu’un qui souhaite devenir vice-président affaires juridiques, et ensuite s’éloigner du droit pour s’approcher des affaires? En d’autres mots, comment fait-on (si recette il y a!) pour devenir Claude Bergeron?
Je crois qu’il faut avoir des intérêts qui sont larges. Il faut, en effet, savoir aller au-delà de sa formation et dépasser le droit. Il faut profiter du fait d’entrer et de travailler dans une entreprise donnée, il faut rêver d’un objectif, et viser à l’atteindre. Et il faut aussi savoir être un peu opportuniste, dans le bon sens du terme évidemment : il faut saisir sa chance et prendre la place qu’on nous laisse prendre. Et pour cela, on doit faire preuve de leadership, d’initiative et d’une bonne capacité à vulgariser les choses, en plus d’être méticuleux. Et surtout, il faut savoir comprendre et écouter.

En vrac…
Un bon livre qu’il nous suggère – « Shackleton’s Way » Auteurs : Margot Morrell et Stephanie Capparell
Un bon film qu’il a vu récemment – « Amelia » Réalisateur : Mira Nair
Il adore manger au…. Pintxo (rue Roy Est)
Il veut visiter … L’Argentine.
S’il n’était pas avocat, il serait…probablement en administration ou en économie! Une réponse qui ne nous surprend guère!!

Bio
Me Bergeron cumule plus de 20 ans d’expérience à la Caisse, où il a négocié des dossiers et des investissements d’envergure, à l’échelle nationale et internationale. Son parcours professionnel lui confère une bonne connaissance des secteurs public et privé.
Au service de la Caisse depuis 1988, Me Bergeron a d’abord occupé le poste de conseiller juridique principal. Me Bergeron s’est ensuite vu confier divers mandats et fonctions, tant dans les secteurs et les filiales d’investissement que dans les services généraux. Me Bergeron a été promu vice-président en 1993, vice-président principal, Affaires juridiques et secrétaire adjoint en 2005, puis premier vice-président, Affaires juridiques et secrétariat en juin 2009.
De 2007 à 2009, Me Bergeron a joué un rôle déterminant dans la mise en œuvre du plan de restructuration du papier commercial adossé à des actifs (PCAA) émis par des tiers. À compter d’août 2009, Me Bergeron a agi à titre de chef par intérim de la Direction des risques. Sous sa direction, la Caisse a complété la mise en œuvre d’un programme accéléré de renforcement de ses pratiques de gestion des risques.
Membre du Barreau du Québec et de l’Association du Barreau canadien, Me Bergeron possède une licence en droit de l’Université de Montréal et un diplôme en sciences administratives de HEC Montréal. Me Bergeron a aussi poursuivi des études en comptabilité à l’Université du Québec à Montréal. En 2009, Me Bergeron a obtenu un MBA international spécialisé en services financiers et assurance, géré par deux institutions universitaires reconnues, soit la Vlerick Leuven Gent Management School, en Belgique, et l’Université de Saint-Gall, en Suisse.
Me Bergeron a mérité le prix du Chef des affaires juridiques de l’année au Canada au printemps 2009 dans le cadre des Canadian General Counsel Awards. Me Bergeron a aussi reçu, en 2007, le prix Commerce-ZSA qui souligne l’excellence de l’ensemble de sa carrière en droit au Québec. Dans le passé, Me Bergeron a siégé aux conseils d’administration de plusieurs sociétés, telles Noverco et Quebecor Media.