Faisons parler les leaders – Claude Gendron

Faisons parler les leaders – Claude Gendron

25 November, 2013

Cette semaine, Dominique Tardif, de ZSA, s’entretient avec Claude Gendron, l’ex-associé principal de chez Fasken et actuel vice-président exécutif et chef du contentieux d’Ivanhoé Cambridge.

Pourquoi avez-vous, à l’origine, décidé d’être avocat plutôt que de choisir une autre profession?
En fait, je n’ai pas vraiment décidé d’être avocat à un moment précis. J’ai d’ailleurs commencé par faire des études en administration des affaires mais, après mon baccalauréat, comme j’étais encore jeune et que je ne sentais pas que j’avais une éducation très complète, j’ai décidé de poursuivre les études. L’idée était à ce moment d’aller en actuariat.
Pendant qu’ils analysaient les équivalences possibles compte tenu de mon premier baccalauréat, j’ai, littéralement, traversé la cafétéria et pris le côté gauche plutôt que le côté droit : je suis entré à la faculté de droit et non au département des sciences économiques…et en suis ressorti après avoir discuté avec un fiscaliste qui s’y trouvait et avoir fait mettre mon nom sur la liste d’attente! Quant au département des sciences économiques, je n’y ai finalement jamais mis les pieds, ayant été accepté en droit à l’Université de Montréal!
J’ai bien aimé les professeurs que j’ai eus et j’ai trouvé qu’il s’agissait d’un bon complément à mes études antérieures. Le droit fait appel à une logique et une structure de pensée que je trouvais intéressantes.
Me voici donc, 35 ans plus tard, et toujours avocat!

Quel est le plus grand défi professionnel auquel vous avez fait face au cours de votre carrière?
Du côté transactionnel, le mandat de diriger l’équipe juridique mise sur pied par Infrastructure Québec pour les transactions de partenariat public privé du CHUM, du CUSM et du CRCHUM, au cours des quatre dernières années, a certainement été un de mes plus grands défis professionnels.
Non seulement la formule était une première au Québec, mais elle fut également conduite à travers une crise financière et beaucoup de turbulences! Ces deux projets ont représenté des investissements de près de 4 milliards de dollars.
Le défi était aussi de taille compte tenu du fait que le gouvernement et Infrastructure Québec souhaitaient que le même cabinet mène les trois projets, pour des considérations d’uniformité: l’intensité du travail, vu la quantité, constituait donc un défi important. Le processus d’appel d’offres impliquait de négocier non pas avec un seul partenaire, mais avec deux ou trois d’entre eux avant que le gagnant ne soit choisi, et ce, pour chacun des projets.
Du côté administratif, mon plus grand défi fut de prendre le rôle d’associé directeur du cabinet dans lequel j’étais associé à une époque (Hudon, Gendron, Harris, Thomas, aussi appelé Godin Raymond et associés à une époque), au moment du départ de certains associés.
Du jour au lendemain, je me devais de concilier deux carrières, à savoir celle de gestionnaire d’un cabinet d’environ 35 avocats et celle de l’associé ayant sa propre pratique et devant maintenir le service aux clients et les heures. Les journées n’étaient pas toujours faciles, comme nous étions dans un climat de turbulence amplifié par notre taille relativement limitée.
Les associés directeurs de cabinets savent tous que beaucoup d’avocats ont une forte personnalité, à laquelle s’ajoute la pression constante de la pratique. Il s’agit d’un mélange parfois très dynamique qui ne rend pas toujours aisées les réunions d’associés, particulièrement lorsqu’il s’agit de discuter de rémunération!
L’obtention de consensus est d’autant plus un défi, à mon avis, lorsque le groupe d’associés est plus restreint qu’étendu, comme c’était notre cas à l’époque: chacun considère avoir droit de parole dans un plus petit groupe, ce qui est, je crois, un peu moins présent dans un plus grand cabinet.

Et quel est le plus grand défi dans votre emploi actuel?
Cela ne fait qu’environ huit mois, mais je répondrais en disant que le principal défi a été de faire une transition rapide entre la pratique privée et celle en entreprise. Le travail de chef du contentieux exige une implication plutôt «horizontale» dans l’ensemble des dossiers, contrairement à la pratique privée qui, elle, exige une implication plutôt «verticale» dans un nombre beaucoup plus limité de dossiers.
Il faut donc identifier très rapidement les principales zones de risque et les enjeux pour l’entreprise, et savoir en déléguer à d’autres l’exécution, même si on peut avoir tendance à vouloir mettre les mains à la pâte plus profondément.
La structure corporative d’une grande entreprise nécessite aussi une adaptation. Pareille structure crée un cadre de travail plus rigide que celui d’un cabinet de pratique privée. En revanche, la participation en amont aux transactions et à leur conception est une facette nouvelle et très stimulante!

Si vous aviez une baguette magique, que changeriez-vous à la pratique du droit?
Il est évident que la profession évolue et que la pratique du droit essaie de s’adapter à la réalité économique. Les cabinets d’avocats se regroupent et deviennent «globaux» parce que l’économie elle-même est devenue globale. On passe ainsi d’un regroupement de professionnels à une entreprise multinationale.
Pour ceux qui sont entrés dans la profession avec le goût de faire partie d’un groupe artisanal, un pareil phénomène est difficile à vivre.  Pour ceux qui veulent plutôt embrasser le monde entier, c’est une période excitante. S’il est possible de bien gagner sa vie en développant sa niche, je crois néanmoins qu’il faut, en tant que cabinet de droit des affaires, savoir adopter une perspective globale des choses.

La perception du public envers la profession et les avocats en général est-elle plus positive, égale ou moins positive qu’elle ne l’était lors de vos débuts en pratique? Et pourquoi, à votre avis?
Au fil des ans, on le sait, les pompiers sont toujours ceux qui ont la cote, et les avocats sont loin derrière! Mais la judiciarisation de plus en plus forte des rapports humains fait en sorte qu’à défaut d’être populaires, nous devenons plus utiles…  Même sans calendrier annuel comme les pompiers!(rires)
Plus sérieusement, j’ai l’impression que la perception du public est double. D’une part, à mon avis, la profession traîne toujours la réputation de réunir des professionnels qui font profiter des méandres de la loi à certains groupes. Par ailleurs, lorsqu’on veut être un peu plus objectif, je crois que la profession a aussi la réputation de produire des professionnels qui ont un esprit logique et cartésien, capable de structurer des situations complexes.
Je crois aussi que le public a à cœur la règle de droit et reconnaît que les avocats en sont, d’une certaine façon, les gardiens avec les tribunaux.

Quel conseil donneriez-vous à quelqu’un débutant sa carrière (suggestion d’orientation, qualités à développer, etc.)?
Il faut travailler fort, bien entendu, mais il faut garder à l’esprit que la pratique du droit, aujourd’hui, a pour domaine l’ensemble de la planète. Je parle surtout du droit des affaires que je connais.  Ce qui se passe à New York, Paris ou Londres a des répercussions immédiates ici au Canada et au Québec. La compétition des entreprises d’ici provient de partout dans le monde, tandis que plusieurs des entreprises d’ici sont déjà présentes à l’étranger.
Pour un débutant dans la profession, il faut évidemment faire ses gammes, mais il faut aussi élargir ses horizons et ne pas se limiter à une vision locale, notamment en étudiant et en allant travailler à l’étranger et dans les grandes capitales. Les jeunes avocats québécois sont recherchés. Bien sûr, il faut revenir et rapporter cette expertise au pays!
À titre d’exemple: chez Ivanhoé Cambridge, bien que les avocats du Service des affaires juridiques soient majoritairement canadiens, les transactions visent des actifs présents dans plus de 20 pays. Nous nous adaptons à cette nouvelle réalité.
Enfin, j’ajouterais aussi que, pour ceux qui envisagent une carrière en droit des affaires, il est essentiel d’avoir une formation en finances ou en administration.

En vrac…
• Ses lectures récentes:
« What I Talk About When I TalkAbout Running » – Haruki Murakami «French Revolutions » – Tim Moore «Les chaussures italiennes » – Henning Menkell «The Dead of Winter » – Chris Priestley Peter Kirby, mon ancien associé chez Fasken Martineau qui vient de publier son second polar : « Vigilante Season »
• Les derniers bons films qu’il a vus (dans l’avion surtout!) :
« Incendies » – (Réalisateur: Denis Villeneuve) « Molière à bicyclette » avec Fabrice Luchini et Lambert Wilson (Réalisateur : Philippe Le Guay) La série télé danoise « Borgen »
• Ses chansons fétiches (très différentes les unes des autres, vous le constaterez!):
« Stairway to Heaven » – Led Zeppelin « Time after Time » – Cyndi Lauper « What a Wonderful World » – Louis Armstrong « Sailing to Philadelphia » – Mark Knopfler
Son diction préféré…Il n’a pas de préférence particulière, mais en revanche il voue un certain sentiment «d’amour-haine»  à l’expression «en temps réel».  D’une part, il aime bien le fait qu’un événement soit rapporté au moment même où il a lieu ou qu’on puisse assister à un événement important lorsqu’il survient, mais d’autre part cela signifie aussi qu’il faut, du même coup, tous converger au rythme des autres, à l’unisson comme tous les soldats d’une armée!
• Son péché mignon – Le café!
• Les petits restos et cafés qu’il préfère –ceux de son quartier!
Le matin : Toi, Moi Café sur Laurier Le soir : Leméac (rue Laurier), la terrasse de Les Enfants Terribles (rue Bernard) et Le Petit Italien (Avenue Bernard)
• Il a beaucoup voyagé mais…peu au Canada.  Il aimerait bien le traverser en train avec quelques bons livres à lire pour la portion des Prairies!  Sinon, il caresse depuis longtemps l’idée de faire le tour de l’Europe à vélo, avec le vent dans le dos!
• Les personnages historiques qu’il admire le plus– Edmund Hillary, premier à atteindre le sommet de l’Everest, sans oublier son Sherpa.  Roger Bannister, premier athlète à courir le mille en moins de 4 minutes, et le duo plus contemporain Bill Gates et Steve Jobs.
S’il n’était pas avocat, il serait…architecte, un métier qui conjugue à la fois la nature artistique d’un individu et son côté rationnel et cartésien.

Bio
Me Claude Gendron a été nommé vice-président exécutif, Affaires juridiques et chef du contentieux d’Ivanhoé Cambridge en février 2013, et siège au comité exécutif de la société.  Avant sa nomination, il était associé principal chez Fasken Martineau et spécialisé dans les domaines de l’immobilier, des infrastructures et du financement des entreprises.
Me Gendron a été nommé avocat de l’année en immobilier (Montréal) en 2010 par The Best Lawyers in Canada, et il a aussi été reconnu dans le domaine de l’immobilier par le prestigieux répertoire Chambers Global. Il a également été cité pour son expérience immobilière dans le Guide to the World’s Leading Real Estate Lawyers publié par The Legal Media Group/Euromoney Publications ainsi que dans le Guide to the Leading 500 Lawyers in Canada publié par American Lawyer Media Group conjointement avec LEXPERT.
Ayant débuté sa carrière auprès d’une des principales banques canadiennes, il a agi surtout pour plusieurs grands promoteurs et investisseurs immobiliers ainsi que pour des institutions financières, des fonds de pension et agences gouvernementales.
Me Gendron a été impliqué dans une grande partie des transactions d’acquisition et vente du centre-ville de Montréal et dans de nombreuses transactions à volets nationaux et internationaux. Il a aussi participé activement à la vente ou à l’acquisition de plusieurs portefeuilles immobiliers industriels et commerciaux. Il a également joué un rôle de premier plan dans le développement et financement de nombreux projets d’immeubles de bureaux et projets particuliers d’infrastructure.
En matière d’infrastructure, Me Gendron a aussi dirigé l’équipe de conseillers juridiques externes d’Infrastructure Québec pour la réalisation des nouveaux hôpitaux du Centre hospitalier de l’Université de Montréal et du Centre universitaire de santé de l’Université McGill ainsi que du projet de modernisation du Centre hospitalier universitaire Sainte-Justine, des projets totalisant plus de quatre milliards de dollars d’investissements.
Me Gendron est membre du Barreau du Québec depuis 1975.  Il est diplômé en administration des affaires de l’Université d’Ottawa et détient une licence et une maîtrise en droit de l’Université de Montréal.


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