Associée du cabinet Stein Monast, Geneviève Cotnam aura vécu deux liquidations de cabinets. Une épreuve qui aura eu du bon, malgré tout, comme elle l’explique à Dominique Tardif.
Nommé avocate émérite en 2012, Me Geneviève Cotnam est une avocte chevronnée qui se spécialise en responsabilité civile et professionnelle, en responsabilité des institutions financières et en assurances de dommages et de personnes.
Pourquoi avez-vous, à l’origine, décidé d’être avocat plutôt que de choisir une autre profession? Était-ce le fruit du hasard ?
Ça n’a, pour moi, non pas été le fruit du hasard mais le résultat d’une décision prise au moment des choix universitaires. J’avais jusque-là étudié les sciences, et j’hésitais entre la pharmacie et le droit. J’ai finalement opté pour le droit : j’aimais à la fois son côté rationnel et son aspect argumentatif, et je savais que la discipline elle-même pouvait mener à bien des possibilités. Je ne me destinais donc pas, au départ, nécessairement à une carrière classique en droit, ce que je fais pourtant aujourd’hui ! Une fois le pied mis dans l’engrenage, j’y suis restée accrochée, et je n’ai certainement pas regretté !
Quel est le plus grand défi professionnel auquel vous avez fait face au cours de votre carrière ?
Spontanément me vient en tête le fait que j’ai vécu, successivement, deux liquidations de cabinets d’avocats : d’abord celle de Flynn Rivard, puis celle de Desjardins Ducharme Stein Monast. Le défi, à travers ces deux événements, a été de savoir rester ensemble, de demeurer une équipe et de faire en sorte que la clientèle que nous avions bâtie, nous suive. C’est un défi sur le plan humain : cela implique certains déchirements avec des gens avec qui on avait l’habitude de travailler, et aussi de faire des choix et de démontrer son engagement à rester avec son équipe. Dans une carrière, personne n’a vraiment beaucoup d’occasions de se demander s’il est ou non heureux dans sa pratique, dans son cabinet, avec ses clients et avec les collègues avec qui il pratique. On n’a évidemment pas à liquider des bureaux pour se poser la question (rires), mais c’est néanmoins une occasion pour le faire. Quand ça vous arrive deux fois de suite, c’est un peu comme avoir l’occasion de renouveler ses vœux professionnels !
Si vous pouviez changer quelque chose à la pratique du droit, de quoi s’agirait-il?
Si je pouvais changer quelque chose à la pratique, ce serait certainement son caractère instantané. En effet, notre pratique implique de constamment répondre à des délais, des urgences et des courriels, dans une perspective bien souvent à court terme. Il est, à mon avis, en conséquence plus difficile de prendre du recul pour réfléchir à la stratégie et aux impacts à long terme de nos actions et décisions. Le changement de la pratique en ce sens représente un défi et nécessite une adaptation quant à la gestion de ses dossiers.
Et cette culture de l’instantané est-elle moins bonne pour le droit, ou moins bonne pour les avocats ?
Je crois qu’elle est moins bonne pour le droit. Pensez par exemple à lorsque nous travaillions manuellement, en faisant des recherches dans les annuaires de jurisprudence, les uns après les autres. Nous nous arrêtions sur certaines décisions que nous relisions et sur d’autres qui, même si elles s’écartaient un peu de ce que nous recherchions a priori, nous permettaient d’envisager le problème d’une autre façon.
À l’opposé, les recherches par mots-clés d’aujourd’hui nous font peut-être passer outre à un concept qui nous inspirerait une réflexion que nous n’aurons autrement possiblement pas. Je crois que nous étions peut-être plus inventifs et susceptibles de faire des parallèles à l’époque, alors que nous cherchons aujourd’hui davantage “LA” réponse. Tout cela, évidemment, va de pair avec cette culture de l’instantané. Le client, cependant, obtient peut-être sa réponse plus rapidement et à moindre coût, bien que je demeure persuadée qu’un peu plus de recul serait parfois bien bénéfique.
La perception du public envers la profession et les avocats en général est-elle plus positive, égale ou moins positive qu’elle ne l’était lors de vos débuts en pratique? Et pourquoi, à votre avis ?
Je crois que, de façon générale, la perception n’a pas tellement changé pour les utilisateurs. Les gens qui ont eu recours aux services d’un avocat sont en effet souvent satisfaits. Ceux, à l’inverse, qui ont une moins bonne opinion de la profession sont souvent ceux qui ont eu une expérience plus distante du système. Je crois que, jusqu’à un certain point, on peut établir le même parallèle qu’avec le domaine de la santé : nous sommes nombreux à critiquer le système, mais lorsque nous l’utilisons, nous nous rendons très souvent compte qu’il fonctionne relativement bien dans l’ensemble, même si bien sûr il y a des exceptions.
Quel conseil donneriez-vous à quelqu’un débutant sa carrière et qui veut réussir en pratique privée ?
Pour réussir, il faut y mettre du temps et travailler fort. Là aussi, il y a cette notion d’instantané : on veut, lorsqu’on débute, rapidement gagner la confiance des gens avec qui l’on travaille, et être impliqué sur d’importants dossiers. Or, ce genre de choses “se gagne”. Il faut se rappeler que nos premiers clients, en pratique privée, sont les avocats du cabinet qui nous donnent du travail. C’est après que débutent le démarchage et le développement de clientèle. Le premier souci de l’avocat qui débute doit être de bien servir ses donneurs d’ouvrage et de gagner leur confiance… et cela ne se fait pas en deux jours!
Par ailleurs, pour réussir, il faut aussi agir conformément à ses valeurs. À quoi bon, par exemple, imiter un avocat qui interroge ses témoins de façon très agressive si notre personnalité est à l’opposé de cela ? C’est comme jouer un rôle qui n’est pas le sien : cela sonne faux et ne donne pas la crédibilité voulue.
Il faut aussi savoir dire qu’on ne sait pas, et ne pas hésiter à demander d’observer ceux qui ont plus d’expérience que nous. Savoir connaître ses limites et être honnête envers ceux avec qui on travaille est essentiel. Et cela inclut aussi ses clients : il faut être réaliste, plutôt que de se montrer trop optimiste ou de faire miroiter des résultats improbables aux clients. Dire les choses telles qu’elles sont, cela fait aussi partie du travail !
En vrac…
• Le dernier bon livre qu’elle a lu : « Paul à Québec , la bande dessinée de Michel Rabagliati.
• Une expression qu’elle dit souvent : « Un jour à la fois ! »
• Son péché mignon : Un bon verre de vin rouge.
• Son restaurant préféré : L’Aviatic, rue de la Gare du Palais à Québec …et peut-être aussi un peu parce que son conjoint en est le chef !
• Un pays qu’elle aimerait visiter : La Chine.
• Le personnage historique qui l’a le plus intriguée : Napoléon par la diversité de ses intérêts bien davantage que par ses conquêtes.
• Si elle n’était pas avocate, elle serait… sans doute pharmacienne !
Bio
Me Geneviève Cotnam est associée du cabinet Stein Monast S.e.n.c.r.l., et se spécialise en responsabilité civile, en responsabilité des institutions financières, en responsabilité professionnelle et en assurances de dommages et de personnes. Dans le cadre de sa pratique, elle est appelée à conseiller ses clients dans ces divers domaines, et à les représenter devant les tribunaux lorsque aucune autre solution ne peut être envisagée. Elle agit également en défense dans des dossiers de recours collectifs. Parallèlement à sa pratique en droit des assurances, elle œuvre en droit administratif et a eu l’occasion de conseiller et de représenter des organismes liés à l’industrie de l’assurance dans des recours en nullité que ce soit devant la Cour supérieure ou la Cour d’appel. Me Cotnam s’intéresse également aux questions liées à la conformité en matière d’assurance. Parallèlement à sa pratique elle a enseigné à l’École du Barreau et est toujours chargée de cours à l’Université Laval. Elle a également rédigé plusieurs textes et prononcé de nombreuses conférences en matière de responsabilité civile ou de droit des assurances. Elle a siégé sur divers comités du Barreau et a participé aux travaux du Groupe de travail sur la protection des épargnants et des investisseurs. Elle est également associée responsable des « Avocats gestionnaires de risques » (RMC-AGR), une association nationale de cabinets d’avocats indépendants spécialisée en assurance. Me Cotnam s’intéresse au domaine de la gestion des risques et a d’ailleurs complété le microprogramme en gestions des risques offert par l’Université Laval. Elle est membre du comité Québec de l’AGRAQ (Association des Gestionnaires de Risques en Assurance du Québec). Enfin, elle s’implique également activement au niveau du conseil d’administration du chapitre provincial de WICC (Women in Insurance Cancer Crusade) qui vise à mobiliser l’industrie de l’assurance afin de lever des fonds pour la recherche contre le cancer. Elle a reçu en 2012 le titre d’Advocatus Emeritus.