Cette semaine, Dominique Tardif rencontre l’associé Guy Du Pont, de Davies, qui nous parle de sa carrière et de ses grands défis professionnels.
Me Guy Du Pont est associé en litige chez Davies Ward Phillips & Vineberg depuis 1989, et co-fondateur du groupe de pratique du bureau de Montréal. Avant de se joindre au cabinet, il a travaillé comme avocat au ministère de la Justice Canada et de Revenu Canada.
Pourquoi avez-vous décidé d’être avocat?
Je suis de la génération des Cégeps, que j’ai terminé à l’âge de 17 ans. Il était alors pour le moins difficile de choisir une carrière définitive, d’autant plus qu’à cette époque et à cet âge, les choix, contrairement à aujourd’hui, étaient plus définitifs, voire même irréversibles. Je savais que le droit menait à beaucoup de choses et à une panoplie de débouchés qui n’étaient pas limités au seul métier d’avocat. J’ai pris goût au métier et j’ai eu la chance de rencontrer, après mes études, des gens extraordinaires qui ont solidifié mon choix, dont les juges Jackett, Estey, Gold et Proulx. C’est quand on découvre le domaine qu’on s’y attache.
Quel est le plus grand défi professionnel auquel vous avez fait face?
Le dossier BCE, pour plusieurs raisons. Nous avions une ‘fenêtre’ de trente jours pour faire renverser un jugement unanime de cinq juges de la cour d’appel, sans quoi la transaction de 52 milliards de dollars allait échouer. A l’intérieur de cet échéancier très serré, il a fallu gagner les cinq étapes suivantes : une requête pour accélérer la requête pour accélération de la demande d’autorisation de pourvoi; une requête pour accélérer la demande d’autorisation de pourvoi; une demande d’autorisation de pourvoi; une demande d’accélération de l’audition une fois l’autorisation d’interjeter appel accordée; et l’audition du pourvoi.
Ce fut un dossier très marquant sur le plan logistique, outre les questions de droit : le dossier d’appel comptait 99 volumes. Nous avions une équipe très forte à l’interne et nous nous sommes employés à faire une présentation très limpide, claire et convaincante à la Cour, en s’assurant de ne pas trébucher sur des questions de fond trop pointues. Le 22 juin 2009, la Cour a accueilli l’appel à l’unanimité.
Si vous pouviez changer quelque chose à la pratique du droit, de quoi s’agirait-il?
J’ai deux préoccupations en tête. D’une part, étant moi-même plaideur, je crois que la civilité est toujours de mise avec ses collègues. La profession, au fil des années, est devenue beaucoup plus concurrentielle et l’influence de la télévision a fait en sorte que nombre de clients, sinon de confrères, ont acquis la conviction qu’être agressifs à tous azimuts est la marque d’un avocat efficace qui réussit. Notre métier est souvent difficile et il n’est pas nécessaire de le rendre désagréable. Il n’y a pas à être brusque et dur. C’est quelque chose que j’aimerais vouloir changer, comme ça n’aide souvent en rien au débat.
D’autre part, on devient très concurrentiel: nous sommes très préoccupés d’avoir une justice rapide. Nous en sommes tous aux échéanciers et à la vitesse, mais je crois qu’il existe ainsi parfois un risque de s’égarer et de perdre la vision du droit. Je préfère toujours la maxime de M. Woodrow Wilson qui disait que ce qu’il faut est d’éviter les jugements hâtifs et de fournir « light and not heat ».
Quel conseil donneriez-vous à quelqu’un débutant sa carrière?
Je donne peu de conseils – il y a à mon avis de grands périls à donner des conseils qui auront pour but ou effet d’influencer une personne. L’affaire est trop personnelle et dépend de tellement de facteurs qui ne peuvent que fausser le conseil ou dérouter le conseiller. Ceci dit, j’ai néanmoins deux lignes directrices à donner.
La première est celle de la recherche de l’excellence en toute chose, que ce soit dans la vie professionnelle ou personnelle. C’est une valeur importante pour moi, et qui vient à un certain prix. Cela dit, il faut aussi rechercher l’équilibre : les juristes que j’ai admirés au cours de ma carrière étaient ceux qui avaient une réussite équilibrée. Quant à la recherche de l’excellence, elle exige de longues heures de labeur, de patience et de concentration mais elle rapporte beaucoup à moyen et à long terme. Ce qui m’amène ainsi à la seconde ligne directrice: la persévérance. Il faut être prêt à travailler fort. La récompense n’est pas garantie mais vient en général avec l’effort.
En vrac…
• Dernier bon livre
« Cicero: The Life and Times of Rome’s Greatest Politician », d’Anthony Everitt
• Dernier bon film
« Welcome » (Réalisateur : Philippe Lioret)
• Restaurant préféré
El Morocco (Sur Drummond)
• Pays qu’il aimerait visiter
Israël
• S’il n’était pas avocat, il serait…
Certainement professeur d’histoire!
Bio
La pratique de Guy Du Pont couvre un large éventail de questions liées, entres autres, au droit fiscal, au droit des sociétés, au droit criminel, aux questions d’ordre constitutionnel et environnemental, ainsi qu’aux recours collectifs. Dernièrement, Me Du Pont a représenté, à titre de conseiller juridique principal, BCE Inc. et Bell Canada avec succès devant la Cour suprême du Canada dans l’appel de la décision relative au projet d’acquisition de celles-ci par un groupe d’investisseurs en contrepartie de 51.7 milliards de dollars. Me Du Pont a également agi comme conseiller juridique principal dans plusieurs autres causes historiques portées devant la Cour suprême du Canada. En mai 2008, le Barreau du Québec lui a octroyé la distinction « Advocatus Emeritus », accordée en reconnaissance d’une contribution exceptionnelle à la profession. Il a été nommé fellow de l’American College of Trial Lawyers en 2001 et élu à l’American Law Institute en juin 2005. Me Du Pont figure au classement de nombreux répertoires, dont The International Who’s Who of Commercial Litigators, The World’s Leading Lawyers for Business de Chambers Global en matière de droit de la concurrence et antitrust, ainsi qu’en résolution de conflit. Selon LEXPERT, il figure parmi les cinquante meilleurs juristes dans les domaines du droit des sociétés et droit commercial international, en matière de recours collectifs et en litige fiscal.