Cette semaine, Dominique Tardif s’entretient avec Ingrid Stefancic, vice-présidente des services corporatifs et juridiques de Logistec Corporation.
Pourquoi avez-vous, à l’origine, décidé d’être avocate plutôt que de choisir un autre métier/profession?
J’avais, dès l’âge de 5 ans, l’idée de devenir….médecin! J’ai donc fait toutes mes études en sciences ainsi que deux années de médecine pour ensuite en conclure que le milieu n’était pas pour moi. J’avais eu l’occasion de travailler comme volontaire à l’Institut neurologique et je trouvais le milieu difficile; peut-être ai-je trop d’empathie pour ce métier! Comme les laboratoires ne m’excitaient pas non plus, je me suis tournée vers autre chose.
Sachant que j’avais de la facilité avec les gens, que je possédais une bonne capacité à assimiler les détails, que j’aimais les défis et que je savais bien communiquer des idées, j’ai écouté quand les gens autour de moi m’ont conseillé le droit. J’ai commencé par prendre quelques cours en droit, en même temps que des cours d’informatique et de comptabilité, et j’ai définitivement fait le saut vers le baccalauréat. Je n’ai jamais regretté mon choix!
Quel est le plus grand défi professionnel auquel vous avez fait face au cours de votre carrière?
Sur le plan personnel, le grand défi résidait, en début de carrière, dans le fait de trouver un équilibre entre ma vie professionnelle et ma vie familiale. J’ai eu ma fille relativement jeune et me suis séparée de mon conjoint jeune également. Je travaillais à l’époque chez Martineau Walker (aujourd’hui Fasken) à Québec, et l’ai élevée seule pendant un bon moment. La pratique privée étant ce qu’elle est, on commence souvent tôt au bureau, sans savoir à quelle heure on sortira. Même si je prenais beaucoup de plaisir dans mon travail, cela impliquait beaucoup de jonglage : il est certainement possible de le faire, mais en acceptant que tout ne soit pas parfait.
Après un moment, j’ai pensé à l’entreprise; il y en avait peu à l’époque à Québec. Même si je ne connaissais rien au milieu maritime, j’ai fait le saut chez Logistec à Montréal… il y a maintenant dix-sept ans!
Au niveau professionnel, l’établissement d’un département juridique à l’interne a représenté un beau défi. Je travaille avec différents types de professionnels, dans un milieu très masculin. Les gens n’étaient pas habitués à la présence d’un avocat à l’interne lorsque je suis arrivée. Ils avaient toujours travaillé avec des avocats externes auxquels ils faisaient appel in extremis quand un problème se posait. C’était évidemment très prenant pour eux à chaque fois:il fallait expliquer non seulement le problème mais aussi l’industrie. Avoir quelqu’un à l’interne, qui connaissait tout le processus des acquisitions, l’industrie et les questions qui devaient être ou non posées a libéré beaucoup de leur temps et, grâce aux résultats obtenus j’ai pu gagner leur confiance.
Si vous aviez une baguette magique, que changeriez-vous à la pratique du droit?
Je changerais le modèle des bureaux de pratique privée et des heures facturables. En effet, du point de vue du client, les heures chargées ne reflètent pas toujours le résultat souhaité, alors que du point de vue du cabinet, l’objectif est de facturer des heures et de générer des revenus. Ces attentes respectives sont, évidemment, parfois difficiles à arrimer.
C’est justement ici que les avocats qui travaillent de l’interne apportent de la valeur-ajoutée, en devenant partie prenante de l’équipe et en ayant la possibilité de voir « l’avant », « le pendant » et l’intégration qui suit la prise de décision.
La perception du public envers la profession et les avocats en général est-elle plus positive, égale ou moins positive qu’elle ne l’était lors de vos débuts en pratique? Et pourquoi, à votre avis?
Il existe, à mon avis, autant de perceptions de la profession que d’individus. Les choses n’ont selon moi pas vraiment changé depuis mes débuts en pratique. En fait, je crois qu’au fil des siècles, les avocats n’ont jamais été très populaires. Il n’en demeure pas moins qu’ils sont en quelque sorte un « mal nécessaire » dans la société.
Le fait que les gens aient souvent recours aux avocats lorsque les choses vont mal n’aide évidemment pas la perception que le public en a. Je pense, cela dit, que l’opinion est aussi bonne qu’elle pourrait l’être. Tout dépend à qui on parle : ceux qui font appel aux avocats pour des litiges et des divorces pourront avoir une perception négative, alors que ceux qui ont le sentiment que les avocats leurs sont venus en aide penseront probablement de façon différente…
Quel conseil donneriez-vous à quelqu’un débutant sa carrière et voulant avoir du succès dans sa carrière de conseiller juridique en entreprise?
Il faut, comme dans n’importe quel domaine, être passionné et prêt à travailler fort. Il faut également garder à l’esprit qu’il est important de s’amuser et de prendre du temps pour soi. Pour cela, il faut savoir bien gérer son temps et s’organiser. Le fait d’être versatile et adaptable est également un grand atout en entreprise. Il faut vouloir relever les défis et ne pas craindre la nouveauté : il suffit simplement de chercher la réponse quand on ne l’a pas! Sortir de sa zone de confort permet de grandir et de se dépasser. Finalement, il faut oser être ambitieux, tout en conservant en tout temps son intégrité.
En vrac…
• Le dernier bon livre qu’elle a lu – Secret Daughter (auteur : Shilpi Somaya Gowda).
• Le dernier bon film qu’elle a vu – Divergent (réalisateur : Neil Burger).
• Son style de musique – le Jazz, le New Age, et Rock. Elle aime aussi écouter le groupe britannique Zero 7.
• Une expression qu’elle dit souvent – «On s’en balance! »
• Son péché mignon – Cuisiner et recevoir des amis!
• Son restaurant préféré – Chez Park (Avenue Victoria, Westmount).
• Le pays qu’elle aimerait visiter – l’Argentine.
• Le personnage historique qu’elle admire le plus – Gandhi, parce qu’un homme d’une grande humilité et de sagesse.
• Si elle n’était pas avocate, elle serait…diplomate à l’ONU!
Me Ingrid Stefancic, vice-présidente, services corporatifs et juridiques, s’est jointe à Logistec Corporation en 1997 lors de la création de son poste. Elle gère tout ce qui a trait à la conformité et aux exigences réglementaires pour une société dont les titres sont transigés en bourse, la gestion et la vérification de fusions et acquisitions, les négociations de contrats et de baux avec des fournisseurs, clients et autorités portuaires, les assurances, marques de commerce, dossiers de litige et les questions d’exploitation courante. Me Stefancic est également secrétaire de Logistec Corporation et de toutes ses filiales.
Avant de se joindre à cette entreprise, Me Stefancic était en pratique privée comme avocate en droit des affaires / immobilier pendant 10 ans avec une firme importante, d’abord à Montréal puis à Québec. Elle a également été professeur à l’École du Barreau du Québec pendant quatre ans dans le secteur « Droit des affaires » et a publié au-delà de 30 articles. Elle a été un membre actif de la communauté de la Ville de Québec en siégeant sur le conseil d’administration de divers centres hospitaliers et établissements d’enseignement.
Me Stefancic détient un baccalauréat en droit civil de l’Université Laval et a été admise au Barreau du Québec en 1986. Elle est également Fellow de l’Institut des secrétaires et administrateurs agréés, une organisation internationale axée sur la gouvernance d’entreprise et l’administration professionnelle. Elle siège au conseil de sa division canadienne ainsi que de son comité d’éducation et est présidente de la section Québec. Elle est également membre de l’Association des secrétaires et chefs de contentieux du Québec, dont elle a été présidente, et de l’Association du barreau canadien. Elle a été vice-présidente, international, de la Société des jeux d’hiver de Québec 2002 et a siégé sur le conseil d’administration et l’exécutif de la Chambre de commerce italienne au Canada pendant quatre ans.