Cette semaine, Dominique Tardif rencontre Me Josée Gravel, vice-présidente, services juridiques et directeur de contentieux pour GE Capital, qui nous parle de sa carrière et de ses grands défis professionnels.
Me Josée Gravel est vice-présidente, services juridiques et directeur de contentieux pour GE Capital, Canada depuis 2004.
Pourquoi avez-vous décidé d’être avocate?
Je suis dans la catégorie de ceux et celles qui sont devenus avocats un peu par défaut. J’ai d’abord fait un baccalauréat en économie. Je me rappelle qu’à peu près tous les étudiants de ma classe de sciences politiques, au premier cours, avaient levé la main à la question « qui veut aller en droit » qu’avait posée le professeur. Sauf moi! Je voulais être journaliste, du genre de ceux qui écrivent dans le New Yorker par exemple – avec un côté enquête. J’ai fait mes études de droit pour mieux comprendre le monde et, dès mon stage, j’ai eu l’opportunité de travailler sur des dossiers fascinants. Ça m’a accrochée, et je suis restée!
Quel est le plus grand défi professionnel auquel vous avez fait face?
Les dossiers complexes sont fascinants, mais c’est une chose que l’on sait faire plus facilement avec la formation qu’on a reçue. Mon plus grand défi, c’est plutôt dans mon rôle actuel de chef de contentieux que je l’ai rencontré. Quand on passe de la pratique privée au contentieux, la transition n’est pas facile : il faut savoir laisser de côté l’adrénaline des transactions et assumer un rôle de gestionnaire et de leader, ce qui n’est pas quelque chose qu’on a appris avant. En contentieux, il faut parfois aussi changer et influencer la culture d’entreprise. C’est un grand défi et une grande responsabilité que de prendre des décisions avec les chefs d’entreprise, particulièrement lorsque plusieurs employés dépendent de nos agissements, et que plusieurs emplois en dépendent aussi.
Tout est, je crois, dans la communication. On apprend à communiquer, mais savoir vraiment bien se faire comprendre est souvent très difficile. Il faut le faire avec tous les groupes de l’entreprise, et faire comprendre la « plus-value » du légal et le fait que nous ne sommes pas seulement là pour créer des obstacles, mais pour apporter des solutions aux problèmes. Il faut réussir à se faire voir comme des gens qui peuvent aider, plutôt que comme ceux qui mettent toujours des bâtons dans les roues. On peut changer une culture en communiquant. L’arrogance qu’on voit parfois – ou qu’on voyait parfois avant – en cabinet d’avocats doit être mise de côté en entreprise : il faut savoir travailler en équipe avec tout le monde.
Si vous pouviez changer quelque chose à la pratique du droit, de quoi s’agirait-il? /Quels sont selon vous les changements à anticiper au cours des années à venir quant à l’exercice de la profession en entreprise?
Pour ce qui est des avocats en entreprise, je crois qu’ils devront continuer à fonctionner sans beaucoup de ressources. La tendance est là, et elle va continuer. La pression sur les chefs d’entreprise est de plus en plus grande, et on se tourne de plus de plus vers les avocats à l’interne pour prendre des décisions, mais des décisions qui doivent être prises en peu de temps. L’ère des longues opinions juridiques est révolue. Il faut donc faire preuve de plus de créativité, par exemple en développant des solutions technologiques pour être plus efficaces. L’avocat doit devenir un maître du processus : il ne faut pas seulement pondre un document légal; il faut faire la cascade avec le reste de l’organisation pour que les gens sachent comment l’utiliser, par exemple en développant des guides et manuels opérationnels pour accompagner le document légal. Et c’est un défi.
En cabinet, je crois qu’il faudra trouver un modèle d’affaires qui ne dépende pas seulement des heures facturables. Il faut savoir récompenser la créativité et l’efficacité plutôt que seulement les heures facturables. Et celui qui y parviendra, à mon avis, devrait recevoir un prix! Un meilleur système d’évaluation aura aussi un impact positif sur la rétention.
Quel conseil donneriez-vous à quelqu’un débutant sa carrière
Il y en a plusieurs, que je répète assez souvent:
• Il faut respecter les gens autour de vous, quel que soit le poste que vous occupez;
• Apprenez à communiquer dans plusieurs langues;
• Exploitez le côté droit de votre cerveau! Il faut avoir une vue d’ensemble du problème et être créatif pour trouver les meilleures solutions;
• Développez une grande expertise dans un domaine particulier;
• Soyez libres, honnêtes et humbles;
• Impliquez-vous dans la communauté. Faites-le à titre personnel, pour rester connecté sur ce qui se passe dans la société. Je crois qu’on est une meilleure personne si on s’implique, et automatiquement, ça nous aide dans notre carrière.
• Osez faire une différence.
En vrac…
• Dernier bon livre qu’elle a lu
« Le Baron Perché », de Italo Calvino
• Dernier bon film qu’elle a vu
« The Ghost Writer » (Réalisateur : Polanski)
• Restaurant préféré
Primo & Secondo (sur St-Dominique, dans la Petite Italie)
• Là où elle aimerait retourner
Elle est amoureuse des grandes villes, dont New York, Londres, Paris et Rome.
• Si elle n’était pas avocate, elle serait…probablement écrivaine. Elle suit d’ailleurs un cours de création littéraire. On aura donc peut-être le plaisir de la lire un jour!
Bio
Me Josée Gravel est vice-président, services juridiques et directeur de contentieux pour GE Capital, Canada depuis 2004.
GE Capital Canada est une entreprise de services financiers desservant les besoins des entreprises canadiennes et membre du groupe GENERAL ELECTRIC, une compagnie publique cotée à la bourse de New York. Le siège social de GE Capital, Canada est à Montréal.
Membre du Barreau du Québec depuis 1984, Me. Gravel a amorcé sa pratique en droit commercial et immobilier en cabinet privé. De 1986 à 1990, elle fit un premier saut vers l’entreprise en se joignant successivement à deux entreprises œuvrant dans le secteur de l’immobilier commercial montréalais. De retour en pratique privée, Me Gravel se joint alors au cabinet Stikeman Elliott où elle a exercé principalement dans les domaines du droit immobilier et bancaire. Me. Gravel a également acquis au fil des ans une expérience pointue en financement d’aéronef, de films et d’autres projets.
Me Gravel a fait ses études de droit à McGill. Elle est fière d’être une des premières femmes graduées du programme combiné de droit-MBA offert par McGill.