Cette semaine, Dominique Tardif rencontre Me Nathalie Drouin, directrice générale, Contrôle des marchés et affaires juridiques à l’Autorité des marchés financiers, qui nous parle de sa carrière et de ses grands défis professionnels.
Nathalie Drouin est directrice générale, Contrôle des marchés et affaires juridiques à l’Autorité des marchés financiers.
Pourquoi avez-vous décidé d’être avocat?
Déjà au primaire, plusieurs, dont mes professeurs, disaient déjà que je devais aller en droit : j’aimais animer des débats, défendre mes idées, etc. Au cegep, j’hésitais beaucoup entre la pharmacie et le droit, et j’ai été acceptée dans les deux programmes universitaires. J’ai décidé de commencer par un an de droit, en me disant que j’allais ‘voir ensuite’. Et le défi intellectuel du droit m’a fait rester!
Quel est le plus grand défi professionnel auquel vous avez fait face à l’AMF?
En termes de dossier le plus marquant de ma carrière, je répondrais qu’il s’agit du dossier Norbourg, à cause du nombre de facettes que comprend ce dossier. Tout cela, combiné au fait que c’est aussi un dossier extrêmement pénible comme on parle ici de 9000 victimes, ce qui amène en plus son lot médiatique. Mon rôle était de coordonner toutes ces facettes, et de déterminer les orientations et les stratégies pour l’enquête, l’introduction de poursuites pénales, la question du recours collectif, les communications publiques, etc.
En termes de défis et de réussite, ma plus grande fierté est d’avoir contribué à ‘faire exploser’ la capacité d’enquête et de poursuite à l’AMF, tout en diminuant de façon significative les délais d’enquête. Mes effectifs ont plus que doublé depuis 2004 : j’ai en effet eu la chance d’être supportée par la direction, qui voulait faire de la lutte au crime économique sa priorité, et de bâtir des équipes spécialisées. D’un délai d’enquête moyen de 48 mois en 2004, nous en sommes aujourd’hui autour de l’année. Le nombre de poursuites entreprises dans une année a quant à lui plus que doublé entre 2004 et maintenant. Tout cela prend évidemment le soutien de gens très engagés, et j’ai eu la chance d’en avoir autour de moi.
Si vous pouviez changer quelque chose à la pratique du droit, de quoi s’agirait-il pour faciliter votre rôle?
Je crois qu’il faut, dans la profession, travailler à la vulgarisation du droit, pour le rendre plus accessible. Il faut adopter l’approche du langage clair et du langage simple. C’est important parce que, à mon avis, la confiance du public en dépend. La confiance n’est actuellement, malheureusement, pas à la hausse, je crois.
Et pourquoi?
Parce que les choses ne sont pas toujours comprises, que la profession ‘reste un peu dans son monde, un peu comme en silo’. Si la perception est que le droit n’équivaut pas à la justice, ça mine évidemment un peu la confiance. Il faut rendre les choses plus accessibles et compréhensibles au public.
Quel conseil donneriez-vous à quelqu’un débutant sa carrière qui veut avoir la carrière de N Drouin un jour?
La première chose à réaliser, c’est qu’en entreprise, on a aussi des clients. Des clients internes, oui, mais des clients.
Il faut aussi développer une approche axée sur les résultats. La formation en droit a beaucoup de richesse et nous apprend à voir tous les détails, mais une fois arrivé en entreprise ou en pratique privée, il faut savoir choisir ce qui est important, par opposition à ce qui ne l’est pas. Plus on grimpe les échelons, plus il est important de choisir ses batailles.
Il faut aussi accepter que la solution parfaite n’est pas toujours celle qu’on trouve parfaite comme juriste, mais celle qui est parfaite pour le client. Certains avocats y résistent. Cela ne signifie pas pour autant de donner des opinions de complaisance ou de faire des compromis légaux, mais plutôt de savoir trouver un chemin juridique qui permette d’arriver au résultat recherché.
Quant aux avocats en entreprise, il faut savoir démontrer davantage sa plus-value : nous pouvons parfois être vus comme des gens qui vont apporter une approche technique, alors que nous pouvons amener beaucoup plus et faire partie de la solution, en amont du problème et non seulement lorsque le problème survient.
En vrac…
• Dernier bon livre que qu’elle a lu – et qu’elle relirait, ajoute-t-elle! – « Resonant leadership » écrit par Richard Boyatzis.
• Dernier bon film qu’elle a vu– « Invictus » (Réalisateur : Clint Eastwood)
• Un bon restaurant : Le Laurie Raphael, tant à Québec (rue Dalhousie) qu’à Montréal (rue Mansfield).
• Pays où elle pourrait facilement s’établir – En Australie, à Sydney. Parce que c’est un peuple qui a une certaine connexité avec les Québécois, de par son côté nord-américain dans l’approche, mais qui y conjugue en même temps la facilité d’approche qu’ont les gens des pays plus chauds.
• Si elle n’était pas avocate, elle travaillerait…dans le domaine gastronomique, peut-être comme chef cuisinière ou encore comme productrice de produits fins, pourquoi pas!
Bio
Me Drouin est directrice générale, Contrôle des marchés et affaires juridiques à l’Autorité des marchés financiers.
Me Drouin supervise la Direction aux affaires juridiques (réglementation), la Direction de l’inspection et des enquêtes et la Direction du contentieux (surveillance et contrôle des marchés financiers) ainsi que la Direction du secrétariat (cadre institutionnel de l’Autorité). En plus, Me Drouin conseille les instances décisionnelles quant à la conformité, la cohérence, l’équité et la sécurité juridique des décisions visant l’application du régime québécois d’encadrement du secteur financier. Enfin, Me Drouin collabore avec divers partenaires nationaux et internationaux, et siège notamment à un comité de l’Organisation internationale des commissions en valeurs mobilières (OICV).
Me Drouin compte 17 années d’expérience dans l’encadrement des services financiers. Membre du Barreau de Québec depuis 1992, Me Drouin a obtenu un diplôme de baccalauréat en droit en 1991 et un diplôme de 2e cycle en administration des affaires en 1998 de l’Université Laval à Québec.