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Faisons parler les leaders – Réjean Goulet

29 January, 2013

Cette semaine, Dominique Tardif rencontre Me Réjean Goulet, VP des affaires juridiques de SNC-Lavalin. Il lui parle de sa carrière et de ses grands défis professionnels.

Réjean Goulet
occupe depuis mai 2005 le poste de Vice-président principal et chef du contentieux de SNC-Lavalin inc.

Pourquoi avez-vous, à l’origine, décidé d’être avocat plutôt que de choisir un autre métier ou une autre profession?
Le droit m’a toujours fasciné. J’ai d’abord fait un baccalauréat en analyse politique : j’aimais bien l’étude des phénomènes sociaux.
Et le droit est justement un puissant intégrateur de phénomènes sociaux. Le droit comporte non seulement cet aspect-là, mais beaucoup de stimulation intellectuelle. C’est dans le droit que je sentais que je pouvais vraiment évoluer, et que j’avais la possibilité d’utiliser mon imagination, sans limite.
En droit, tu travailles évidemment dans un cadre, mais tu joues aussi avec les concepts, un peu comme avec un cube Rubik, en le promenant dans tous les sens pour comprendre comment ça fonctionne jusqu’à trouver la solution.

Quel est le plus grand défi professionnel auquel vous avez fait face à titre de Vice-président principal et chef du contentieux chez SNC-Lavalin?
En temps de crise, il faut toujours être capable de passer des messages tout en ‘calmant le monde’.
Il faut être capable de maintenir l’équilibre entre le rationnel, les émotions et les intuitions. C’est très important de maintenir cet équilibre-là; à défaut, il est difficile de trouver la solution qui soit la meilleure, et tu peux perdre ta crédibilité.

Un exemple concret de situation plus difficile?
Je pense par exemple au moment où on a annoncé une perte importante dans le projet Goroway, en Ontario.
Quand la crise arrive, il y a un taux d’adrénaline et d’émotions très élevé, et ça demeure constant jusqu’à ce qu’on arrive au point où les gens savent que la crise est sous contrôle, même si les conséquences seront peut-être graves.
Et la chose à ne pas faire, c’est de dire aux gens comment ça se terminera.
Il faut plutôt suivre l’évolution du dossier, et s’assurer que tout est sous contrôle, dans la mesure du possible.

Si vous pouviez changer quelque chose à la pratique du droit, de quoi s’agirait-il?
Il faudrait, et je ne sais pas si on va être capable de le faire, simplifier le système pour qu’il soit vraiment un outil de règlement des conflits.
Il faut permettre de résoudre efficacement, sans artifice, les problèmes, tant pour les corporations que les individus moins fortunés.
Il faudrait absolument arriver à simplifier ça: trouver des solutions efficaces et s’assurer que les parties discutent ouvertement.

Et avez-vous des idées et pistes de solutions?

Si, dans le milieu juridique, il y avait plus de gens à l’ego un peu moins gros, et qui étaient plus orientés vers la résolution de problèmes que sur le fait de flatter leurs egos, ce serait plus facile, je crois!
Les avocats veulent aller chercher plus de parts de marché, et les gens font parfois des shows plus qu’autre chose.
Le système, même quand on se retrouve devant les tribunaux, devrait permettre des discussions plus ouvertes pour vraiment orienter le débat sur la solution.

La perception du public envers la profession et les avocats en général est-elle plus positive, égale ou moins positive qu’elle ne l’était lors de vos débuts en pratique, à votre avis? Et pourquoi?

Depuis que je pratique le droit, je ne pense pas que l’opinion publique ait tellement changé; je ne crois pas que la profession ait changé à un point tel que les gens pensent autrement.
Je crois que la population pense que les avocats sont des gens qui bénéficient de certains avantages que d’autres n’ont pas, ce qui crée une certaine méfiance. Je pense qu’il existe aussi un gros mythe dans la société voulant que les avocats font tous beaucoup d’argent. Les avocats sont des gens qui travaillent très forts, et qui ne sont pas tant rémunérés que ça (si l’on exclut les grands bureaux et quelques autres).

Quel conseil donneriez-vous à quelqu’un débutant sa carrière et voulant un jour prendre les commandes d’un département des affaires juridiques, comme vous, qui soit responsable de superviser une quarantaine de personnes?
La clé, je crois, est d’avoir une grande facilité de communication.
Il faut que tu sois capable de donner l’exemple – sinon, il n’y aura personne pour te suivre!
Il faut que les autres te respectent, et ça vient avec le fait de maîtriser ton travail et ta matière, et avec le fait de savoir quoi suggérer aux autres pour trouver les solutions dans un dossier.
Et ça ne s’apprend pas sur les bancs d’école : je crois que ‘tu l’as, ou que tu ne l’as pas’.
Ce qui s’apprend, par contre, est de développer le fait de faire face à la critique – parce qu’il ne faut pas avoir peur de se faire critiquer.
Pour être capable de superviser des gens, il faut être un bon communicateur, être capable de bien transmettre ses émotions et de donner les bons conseils quand c’est le temps, pour redonner confiance aux gens quand ils sont découragés, si ça arrive.
Il faut aussi savoir “mettre ton pied à terre” quand il est temps de le faire, pour parler des vrais enjeux. Il faut aussi savoir écouter pour pouvoir comprendre, être patient, curieux, et combatif aussi.

En vrac…
Dernier bon livre que vous avez lu « Le triomphe de la cupidité » (Joseph E. Stiglitz).
Dernier bon film que vous avez vu « The Ghost Writer » Réalisateur : Roman Polanski.
Restaurant préféré : Restaurant l’Europea (rue de la Montagne) et le Café Ferreira (rue Peel).
Pays qu’il affectionne particulièrement l’Italie et l’Autriche.
S’il n’était pas avocat, il serait… un chef d’orchestre! Il est en effet un grand amateur de musique.

Bio
Vice-président principal et chef du contentieux de SNC-Lavalin, Réjean Goulet supervise une quarantaine de personnes. Il possède 27 années d’expérience, acquise principalement dans le domaine du droit civil et du droit des affaires. Depuis 1987, il a développé au sein de SNC-Lavalin inc. une expérience de négociateur dans les aspects les plus vastes de l’ingénierie, de la construction, de l’opération, des fusions et acquisitions et du financement de projet de concession tant au niveau national qu’international.  Il est membre du Barreau depuis 1983.