Cette semaine, Dominique Tardif rencontre Me René Khayat, VP affaires juridiques du Cirque du Soleil. Il lui confie ce qu’il attend de ses avocats externes.
Me René Khayat est Vice-président, Affaires juridiques et Commerciales, au Cirque du Soleil.
Pourquoi avez-vous, à l’origine, décidé d’être avocat plutôt que de choisir une autre profession?
Contrairement à d’autres, je ne connaissais personne qui était avocat ou juge. Je faisais mon baccalauréat en psychologie, et je devais m’inscrire à la maîtrise. Mais j’avais envie de faire autre chose. Je n’aimais pas les mathématiques, et je n’étais pas tellement bon en sciences. J’aimais aider les gens, et j’avais un bon esprit de synthèse et d’analyse. Je trouvais aussi intéressant d’étudier les lois et les règlements, et de mieux comprendre comment la société fonctionne. Le choix provenait essentiellement d’un processus d’élimination pour moi, donc. J’ai essayé le droit et…j’ai adoré ça: dès l’an un, ça a été le coup de foudre!
Quel est le plus grand défi professionnel auquel vous avez fait face au Cirque?
Le Cirque est vraiment une compagnie qui a eu une croissance exponentielle, ce qui a amené beaucoup de possibilités d’affaires dans toutes sortes de régions et avec toutes sortes de partenaires. Il a fallu, à travers ça, s’assurer de respecter l’intégrité du Cirque tout en faisant affaires avec bien des gens. Il y avait aussi le défi de l’internationalisation, avec par exemple les négociations avec Disney, Fuji ou encore MJM. L’internationalisation est de plus en plus commune dans le monde, c’est vrai, mais au Québec, le Cirque est une des compagnies qui a touché à beaucoup de choses, et à tous les territoires.
Et quel dossier vous a le plus marqué?
Un dossier qui a été vraiment spécial, et qui a demandé un effort particulier est celui du spectacle d’Elvis à Las Vegas. Je m’attendais à avoir beaucoup de travail en propriété intellectuelle, mais pas à autant de travail et de complexité sur le plan des droits. On croyait que cela se ferait en l’espace de quelques mois, et les choses se sont étendues sur environ 18 mois; on croyait qu’on pourrait obtenir tous les droits avec l’implication de 2-3 avocats, et on a finalement dû mettre en place une équipe de 7-8 personnes, incluant des experts, pour libérer les droits.
Si vous pouviez changer quelque chose à la pratique du droit, de quoi s’agirait-il?
Je crois que, dans les limites de ce qui est permis dans notre profession, les avocats ne vont pas assez loin dans les services qu’ils rendent. Je pense par comparaison aux bureaux comptables, qui ont une plus grande ouverture à offrir des services différents et nécessaires. Peut-être que les avocats devraient s’associer avec d’autres types d’entreprises. Je trouve qu’ils se limitent dans ce qu’ils font. Rapidement, ils nous disent ‘je ne peux pas le faire ou je ne serai pas capable’. Plutôt que de référer, ils ont tendance à nous laisser nous débrouiller.
Et avez-vous des exemples de ces services additionnels qui pourraient être offerts?
Par exemple, ils n’ont souvent pas de services d’immigration, et n’ont pas un service complet en matière de comptabilité ou d’acquisition de certains droits. Ils délaissent ça à d’autres professionnels, plutôt que de s’associer avec eux. Il serait intéressant que ces services-là soient menés par des avocats ou que, pour ceux qu’ils ne peuvent fournir, qu’ils fassent des liens avec d’autres professions. L’idée est d’avoir un vrai service clé en main, surtout pour les compagnies qui sont à l’international.
La perception du public envers la profession et les avocats en général est-elle plus positive, égale ou moins positive qu’elle ne l’était lors de vos débuts en pratique? Et pourquoi, à votre avis?
Je pense qu’elle est plus positive qu’elle ne l’était. Habituellement, les avocats qui font les journaux sont ceux qui font du criminel ou du litige, ce qui donne une vision biaisée et incomplète de la profession. Les initiatives comme les articles que vous faites ou ce qu’on voit dans les journaux aident à faire comprendre ce que font les avocats, qui ne se limitent pas à être procureurs ou avocats de la défense. Quand j’ai moi-même arrêté de faire du litige, les gens me disaient: donc tu n’es plus avocat?, ou bien ils croyaient que j’allais faire de la tenue de livres!!
Aujourd’hui, je pense que la plupart des gens voient une valeur ajoutée au fait d’avoir des avocats. De plus en plus d’entreprises considèrent qu’il est une bonne idée d’avoir des avocats en entreprise. Avant, les contentieux cherchaient surtout des généralistes, alors qu’ils cherchent de plus en plus, maintenant, des spécialistes. Je crois que la société est consciente du besoin et de la valeur ajoutée des services.
Quel conseil donneriez-vous à quelqu’un débutant sa carrière, et qui a l’ambition de devenir un chef de contentieux, comme vous?
La première des choses, le premier conseil, le plus vieux d’ailleurs et le meilleur: ‘fais ce que tu aimes’. Il ne faut pas faire ce métier pour le prestige, parce que les journées sont longues autrement.
Pour ce qui est de quelqu’un qui veut être chef de contentieux, je crois que, ‘pour monter’, il est fondamental d’être capable de vulgariser les situations aux gestionnaires de l’entreprise, et de savoir expliquer simplement les choses.
L’autre aspect fondamental est la capacité de faire l’évaluation des risques. Si la réponse était noire ou blanche, on n’aurait pas besoin d’avocats. L’avocat est là pour évaluer le risque, et une fois prises en compte les lois applicables, pour utiliser son bon jugement et déterminer ce qui est possible et ce qui ne l’est pas.
En vrac…
• Dernier bon livre qu’il a lu«The White Tiger» (Aravind Adiga)
• Dernier bon film qu’il a vu «The Ghost Writer» Réalisateur : Roman Polanski.
• Restaurant préféré Le Laurie Raphaël (rue Dalhousie, à Québec).
• Pays qui le fait rêver l’Italie
• S’il n’était pas avocat, il serait… libraire!
Bio
Ayant joint les rangs de l’entreprise en 1998 comme conseiller juridique, René Khayat dirige le contentieux de 12 avocats depuis maintenant cinq ans.
Avant de se joindre au Cirque, Me Khayat a travaillé chez Pratt & Whitney au sein du groupe de négociation de contrats, de même qu’à la Banque Laurentienne.
Avant de faire le saut en contentieux, Me Khayat a pratiqué en litige au sein de Bélanger Sauvé et de McMaster Meighen (aujourd’hui Borden Ladner Gervais). Me Khayat est membre du Barreau du Québec depuis 1990.